jeudi 10 février 2011

Paroles d'un français sur TF1 - partie 1

Nul n'ignore, que Nicolas Sarkozy a bénéficié de 2heures 30 de publicité en étant invité dans l'émission « paroles de Français » diffusé par TF1.

Publicité, parce que la multiplication des déclarations s'appuie souvent sur des avalanches de statistiques, toutes plus ou moins erronées, sur une présentation idyllique des intentions présidentielles, et que la multiplication des comportements visant à faire croire qu'on compatit au sort des gens, qu'on les comprend, font appel aux mêmes mécanismes que les mécanismes publicitaires. Du coup, on ne peut percevoir l'intervention télévisuelle de Nicolas Sarkozy que comme une immense publicité pour mettre en valeur le produit qu'on veut nous vendre : le futur candidat à l'élection présidentielle de 2012.

Qui plus est, comme dans la publicité, pour mieux nous convaincre de la réalité de la situation, pour mieux nous permettre un transfert affectif avec le produit, on fait appel à un panel de personnes qui physiquement ou par leur situation économique et sociale est censé correspondre à la ménagère de 50 ans, au jeune paysan dynamiques, au chef d'entreprise responsable, etc. etc.

Inutile de vous dire que pas plus que l'an dernier, l'émission de ce 10 février ne m'aura laissé une impression de spontanéité, de sérieux, de fiabilité, et ne m'aura convaincu d'acheter le produit qu'on voulait me vendre.

Pour éviter la lecture d'un texte, qui va être très long, aux moins opiniâtres d'entre vous, je dirais que cette émission pourrait se résumer de la façon suivante :

« Je fais tout ce qu'il faut pour que ça aille, je m'entoure des meilleurs ministres, j'apporte les meilleures solutions, mais que voulez-vous, des tas de choses viennent entraver ma merveilleuse volonté : les 35 heures, les magistrats, les Français qui ne travaillent pas assez, les médecins, les immigrés. Tout ceci est très contrariant, cela VOUS affecte, mais ça n'est pas ma faute. »

En cela, lorsqu'on compare avec l'exercice de l'année précédente, le 25 janvier 2010 toujours sur TF1, on trouve le même canevas d'émission la même volonté de faire reposer tout ce qui est négatif sur les autres et de présenter de façon tronquée les résultats ou les données sur lesquelles on s'appuie pour justifier les réformes à venir.

Je ne m'étendrais pas sur le bilan des promesses faites ni sur les contrevérités énoncées par Nicolas Sarkozy en janvier 2010, d'autres l'ont beaucoup mieux fait que je ne le ferait. Je mettrais à votre disposition, à la fin du présent billet, la liste des sites sur lesquels vous pourrez trouver tous les liens traitants de ces deux sujets. Je suis certaine qu'à la lecture de tous ces articles, vous comprendrez pourquoi, assez malicieusement, Ségolène Royal a indiqué si elle était invitée à l'émission de ce 10 janvier 2010, elle demanderait à Nicolas Sarkozy « où en sont les promesses de sa précédente émission ».

Venons en maintenant au vif du sujet...

Une émission télé avec Nicolas Sarkozy qui ne parlerait pas de sécurité, ne serait plus une émission de télé. Ainsi donc, bille en tête, sans échauffement préalable et sans filet, notre éternel candidat à la présidence a abordé son sujet favori, que dis-je, sa vocation première: la protection des femmes et des enfants et des victimes en général... Surtout quand ils ont un niveau de revenu assez élevé ( nan, je rigole). L'aubaine lui a été fournie ( le total hasard fait bien les choses) par une pharmacienne niçoise quelque peu inquiète- ayant dû faire face à quatre cambriolages successifs- de la « montée de la violence ».

«Je ne vais pas fuir. Il y a ce qu'on a réussi et ce qui ne marche pas», dit le président. Je suis responsable de la sécurité des Français depuis 2002. Entre cette date et aujourd'hui, la délinquance a baissé de 17% dans notre pays

Croyant probablement masquer intelligemment le peu d'efficacité de sa politique de surenchère sécuritaire, notre président de la République s'est embringué dans une série d'explications sans queue ni tête. C'est ainsi qu'il nous a parlé des performances de Brice Hortefeux, de sa police, qui parvenait à un taux d'élucidation des crimes et délits de 40 %. Ce faisant, Nicolas Sarkozy a oublié de dire que le taux d'élucidation ne mesure absolument pas l'efficacité de la police et qu'il y a beaucoup à redire sur le mode de calcul de ce fameux taux. En plus, comme le souligne Juan sur son blog, la progression des atteintes aux personnes est loin d'être limitée aux seules délinquances récidivistes ou aux mineurs !

Puis le défenseur « de la veuve et de l'orphelin » est revenue à l'attaque dans le registre on ne peut plus démagogique- surtout pour un avocat et pour l'ancien ministre de l'intérieur qui sait parfaitement que les policiers critiquent "les juges qui relâchent les délinquants qu'ils viennent d'arrêter"- des peines de prison non exécutée. À ce stade, je commençais un peu à décrocher mais j'ai tout de même noté que si il y a peine de prison non effectuées, c'est qu'il y a eu jugement, sentence, condamnation et donc que les magistrats, les juges ont fait leur travail ! Si les peines ne sont pas executées, c'est par manque de lieu pour purger les peines! Qui plus est, en parlant de "30 000 peines de prison non exécutées" je ne sais pas très bien où Nicolas Sarkozy va prendre ces sources. Est-ce dans une lettre envoyée fin janvier par Nicolas Sarkozy lui-même au député Eric Ciotti, est-ce dans un rapport cet article , ou lorsqu'on constate, comme l'a fait France Info, qu'à Nice, ville la plus équipée de France avec 600 caméras, les vols avec violence ont augmenté de 20% en un an, ça n'est peut-être pas la dépense en matière de sécurité il faut privilégier.

“Bon chien ne saurait lâcher un bon os", Nicolas Sarkozy tenant son sujet,s’attaqua fermement aux mineurs délinquants et à l'hyper violence. "Je vais avec le ministre de l'Intérieur et le garde des Sceaux (...) demander que nous réfléchissions et que nous adoptions avant l'été de nouvelles mesures s'agissant de la réponse à apporter à la délinquance des mineurs"

Déclaration imprécise sur  la nature de ces mesures mais en étayée par le constat, que je ne partage pas, qu'un " mineur d'aujourd'hui n'est pas un mineur de 1950"... ce qui rendrait obsolète l'ordonnance de 1945. Sachant que la notion de minorité est une notion uniquement légale qui n'a rien à voir avec l'âge mental et physique d'un individu, ni avec l'évolution de son sens de responsabilité (il n'y a qu'à voir ses ministres qui refusent d'assumer leurs responsabilités sans pour autant être considéré comme mineur), je trouve l'argument de Nicolas Sarkozy très spécieux. Mais bon, faute d'obtenir des résultats concrets depuis 10 ans, ça ne peut pas lui faire de mal auprès de sa "clientèle électorale" de montrer qu'il ne perd pas le sujet de vue. En attendant il ne traite pas le mal à la source- à savoir les conditions d'éducation, de vie, déplorables dans lesquelles certains enfants grandissent- et il ne traite pas non plus l'insertion de milliers de jeunes compatriotes en déshérence. Et pendant ce temps-là l'argent qu’il faudrait investir dans ce chantier d'une extrême importance peut servir à renflouer les caisses de chefs d'entreprise qui confondent investissement productif et casino boursier...

Autres “sous-produits sécuritaires” de Nicolas Sarkozy , celui des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Le chef de l'Etat veut manifestement donner un vernis démocratique à ce projet, mais il oublie que cela ne changera en rien le fait que les décisions de justice se prennent dans le cadre des lois. Un jury populaire obligera le président du tribunal a expliquer aux jurés: les différentes lois applicables dans l'affaire qu'ils ont à juger, les tenants et les aboutissants de leurs décision, les peines et leurs conséquences, etc. Tout ceci va considérablement emberlificoter le processus, rallonger les délais des procès, augmenter la charge de travail des magistrats et surtout couter de l'argent. Alors qu’aujourd’hui même, pour entretenir la machine judiciaire, l'État n'arrive pas à trouver cet argent, on se demande comment, tout à coup, pour satisfaire une lubie présidentielle, il parviendrait à en trouver davantage. Bien que déjà alerté par toutes les conséquences de ce projet, Nicolas Sarkozy a néanmoins décidé que la réforme serait mise en place «avant l'été».

Des délinquants à la justice, normalement il n'y a qu'un pas que Nicolas Sarkozy a allègrement franchi lorsque l'animateur de l'émission a abordé le sujet de la mobilisation des magistrats.

Probablement soucieux de donner l'impression qu'il cherchait à apaiser le climat quelque peu tendu entre le gouvernement et les magistrats qui ont manifesté dans toute la France leur colère, après leur mise en cause par le chef de l'Etat dans l'affaire Laetitia, Nicolas Sarkozy s’est défendu d'avoir critiqué une profession dans son ensemble et à rejeté l'hypothèse d'une augmentation des moyens accordés à la profession, qui en manquent pourtant cruellement .

Comme pour tant d'autres sujets concernant les services publics, et après avoir amplement creusé le déficit de l'État pour soutenir des entreprises qui se désolidarisent chaque jour davantage de notre nation, Nicolas Sarkozy s'est réfugié derrière “ le peu de marge de manœuvre dont on dispose compte tenu des déficits.” Il a par ailleurs prétendu que depuis son avènement au trône à la présidence de la République, le budget de la justice avait augmenté de 4,15 % en 2011. Ce qu'il a oublié de préciser, c'est que du fait des efforts immobiliers de modernisation des prisons et de l'augmentation des capacités d'accueil, l'administration pénitentiaire absorbe une très grande partie des crédits du budget de la justice, comme le relevait encore récemment Les Echos.

Il a également mis en avant l'augmentation des personnels de justice ”Entre 2002 et aujourd'hui, le nombre de magistrats est passé de 7300 à 8510, soit 16% d'augmentation”, en oubliant de préciser que cette augmentation vient après 2 ans d'année de baisse considérable des effectifs et que le nombre de dossiers à traiter a augmenté de 34 % en trois ans, d'après le syndicat du Snepap-fsu. De fait, la charge de travail s'est alourdie de 11 % par an alors que les effectifs eux diminuaient de moitié chaque année. Mais il a tout de même concédé qu'il y a surtout un manque de places dans les prisons.  Notons tout de même que, d'après les derniers bilans, il manque 10 000 places de prison et que Nicolas Sarkozy n'a parlé que de la construction de 5 000 places de prison supplémentaires. D'ores et déjà cette mesure, si elle ^présente l'immense avantage d'enrichir la société Bouygues, dans le cadre du partenariat public-privé de construction de prison, est une mesure obsolète et inadaptée aux besoins actuels.

Fin de la première partie...la suite au prochain numéro

Promesses et contrevérités énoncées en janvier 2010 par Nicolas Sarkozy.  En cliquant sur les deux derniers liens, et vous aurez certainement accès à d'autres sites Web tout aussi riches en informations.

Le Monde; Le Post ; le Point ; Parti Socialiste ;Sarkofrance ;Intox 2007

Sources: Le NouvelObs; Rue89; Sarkofrance ;Le Parisien ;Le Figaro ; France Info; Dailymotion; Les Echos

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