dimanche 2 janvier 2011

Ces conseillers que l'on dit Sages, en Côte d'Ivoire comme en France.

Alors que le “monde entier”, du représentant de l'ONU en Côte d'Ivoire, en passant par ceux de l'Union Européenne et les différents leaders politique français, de droite comme de gauche, conteste l'élection à la présidence de la République de Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo, j'aimerais attirer l'attention sur le paradoxe de ces réactions.

La Côte d'Ivoire, pays souverain, est dotée d'un Conseil Constitutionnel qui a déclaré qu'à l'issue du dépouillement des votes pour les élections présidentielles ivoiriennes, Laurent Gbagbo était légalement et légitimement le Président de la République de Côte d'Ivoire. Mais tout le monde a l'air d'oublier que la Côte d'Ivoire est un pays “démocratique”, labellisé comme tel par les plus grandes puissances internationales, et que sa Constitution nationale et ses institutions sont très très proches de la Constitution et des institutions françaises.

J'entends énormément de mes concitoyens critiquer cette déclaration du Conseil Constitutionnel ivoirien au prétexte que les membres de ce conseil sont tous des personnes nommées par Laurent Gbagbo, ce qui entachent leur décision d'un partisianisme de mauvais aloi qui l'invalide totalement.

En suivant jusqu'au bout cette logique, nous devrions alors tous contester fortement la décision prise par le Conseil Constitutionnel français, en date du 9 novembre 2010 , concernant le recours déposé par l'opposition parlementaire contre la loi portant réforme des retraites , au prétexte que l'ensemble des membres du Conseil Constitutionnel sont, sans exception, tous nommés par des membres de la majorité présidentielle, que ce soit le Président de la République, le Président de l'Assemblée Nationale ou celui du Sénat ou leurs prédécesseurs!

Allons donc ! Les sages du Conseil Constitutionnel ivoirien seraient plus partisans que les sages du Conseil Constitutionnel français ?

Ils oublieraient plus facilement leur mission principale, qui en France, comme en Côte d'Ivoire, consiste à contrôler la constitutionnalité des normes et de contrôle de la régularité des grandes consultations politique ?

Examinons de près par qui les membres du Conseil Constitutionnel français, qui ont siégé lors de cette séance du 9 novembre 2010, ont été nommé :

Vous pouvez constater comme moi, que tous ces conseillers, que l'on dit Sages mais pas surhommes,  doivent leur place au Conseil Constitutionnel à une décision politique et non à une quelconque compétence avérée en droit constitutionnel. Loin de moi l'idée de vouloir entamer un débat de juriste sur la légitimité des juges constitutionnels et sur leurs droit à s'opposer à la volonté des représentants du peuple souverain. Cependant , cette “affiliation” à la majorité présidentielle souligne une proximité « culturelle et politique » qui n'est pas neutre dans leur interprétation de la Constitution Française. Pour des personnes plus ou moins d'accord avec la réforme des retraites, telle que voulue par  Nicolas Sarkozy, le processus de vote de cette réforme est son contenu lui-même, ne pouvaient paraître qu'éminemment constitutionnel.

Et tout le paradoxe des réactions que je citais plus est est là. On accepte pour la France ce qu’on n’accepte pas pour la Côte d’Ivoire!

Si l'on considère que la Constitution est « la Reine des lois » en France, comme en Côte d'Ivoire, elle ne peut être interprétée que par des élus et non par des personnes qui doivent leur fonction de conseiller à des jeux politiques.

Elle ne peut non plus être confiée à des personnes qui sont peut-être très honnête dans leur lecture de la Constitution, mais qui ont une proximité beaucoup trop grande avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et ne représentent pas le troisième pilier de l'équilibre républicain qu'est le pouvoir judiciaire. C'est là une anomalie grossière, injustifiée, qui entachent la décision du Conseil Constitutionnel de partialité et de partisianisme.

Alors, en Côte d'Ivoire comme en France, il est attristant de constater que nous vivons dans des démocraties totalement verrouillées et perverties. Le « fait majoritaire », surtout quand l'abstention électorale dépasse les 43 % des personnes inscrites sur les listes électorales, est une aberration dangereuse.

Plutôt que de se lancer dans la chasse aux dysfonctionnements démocratiques des pays d'Afrique, notre personnel politique serait mieux avisé de s'atteler dès maintenant à une réelle transformation de nos organismes de contrôle de la République et de la Démocratie constitutionnelle, en commençant par le mode de désignation des membres du Conseil Constitutionnel.

Source: Le Point; Le Monde; Conseil Constitutionnel

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