mardi 12 octobre 2010

Le silence assourdissant de Nicolas Sarkozy

Pourquoi Nicolas Sarkozy ne s'exprime-t-il pas sur les retraites à l'issue de cette journée de manifestations et grèves qui est une des plus importantes que la France ait connues depuis 1995 ?
Il peut y avoir à ce comportement, qu'on pourrait qualifier d'autiste, plusieurs explications :
- D'abord parce qu'il sait qu'il n'a pas reçu mandat des citoyens français, lors de son élection en 2007, pour que cette réforme soit menée à bien et qu'il avait promis, pendant la campagne présidentielle de 2007 et plusieurs fois auparavant, de ne jamais « toucher à l'âge de 60 ans ». N'oublions pas que Nicolas Sarkozy est un candidat perpétuel à l'élection présidentielle et que ça n'est vraiment pas le moment pour lui de rappeler ouvertement qu'il ne tient pas ses promesses. Il est évident que s'il prenait la parole, aujourd'hui, sur le sujet des retraites, n'importe quel opposant politique, ou même membre de la majorité présidentielle, pourrait lui renvoyer à la figure ces deux promesses.
Alors très lâchement, il envoie ses larbins porte flingue communicants défendre le projet de ses frères le projet de son conseiller Soubie, son projet dans les médias et à l'assemblée. Défense bien maladroite qui peine à masquer le déficit de démocratie de la méthode de réforme choisie et l'échec total de pédagogie gouvernementale. Défense facile à décrypter puisqu'elle s'appuie essentiellement sur une « démonstration en creux » qui consiste à traiter les adversaires politiques et syndicaux d'irresponsables, à prétendre qu'ils manipulent les lycéens et les étudiants ou qu'ils les instrumentalisent, voire même, comme l'a fait Éric Worth sur Public Sénat que si cette réforme n'est pas faite, les jeunes d'aujourd'hui n'auront pas de retraite par répartition quand ils seront vieux. Ceci afin qu’on en déduise que eux sont responsables, ne manipulent personne et travaillent pour la pérennisation de la retraite par répartition ( on ne rigole pas SVP).

- Ensuite parce qu'il veut donner une image de fermeté de "mec qui ne déviera pas de sa ligne de conduite». On pourrait interpréter ce comportement comme de l'orgueil machiste, mais ne nous y trompons pas, il s'agit bel et bien d'un message électoraliste qui cible une population précise. Population qui apprécie particulièrement l'autoritarisme, la poigne de fer, la torgnole. Il n'est qu'à se balader sur les sites des médias en ligne, et y lire certains commentaires hostiles aux manifestations, pour comprendre que cette image de fermeté, si elle ne fait pas gagner de nouveaux électeurs, permet au moins de ne pas perdre les anciens.
- Enfin, et c'est probablement le plus important, parce qu'il veut faire croire aux manifestants que pour lui, la page de la réforme des retraites est tournée, que la réforme est acceptée, actée, par les institutions et qu'il passe à autre chose. Sous-entendu « si c'est fini pour moi, élu président de la république par une majorité des Français (en fait, si l'on tient compte des abstentions, les votes blancs ou nuls, Nicolas Sarkozy n'a été élu par 42,68% du corps électoral de 2007, ce qui est très loin de représenter la majorité des Français en âge de voter actuellement) , ça l'est automatiquement pour vous, qui n'avait été élu par personne ». Un peu comme un parent qui dirait à son enfant : « je t'ai dit non, c'est non ! »
Ce qui explique pourquoi, aujourd'hui, ostensiblement, alors que des millions de Français manifestaient contre la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy, président de la république française, n'a rien trouvé de mieux que de recevoir une vingtaine de députés UMP à l'Élysée pour leur parler de la réforme de la fiscalité du patrimoine qu'il envisage.
Seulement voilà, tout ceci n'est qu'affichage, politique politicienne, comme le triptyque « Irresponsables - manipulateur - vote inéluctable de la loi » que répètent en boucle Dominique Paillet, François Fillon, Luc Chatel, Éric Woerth et Frédéric Lefebvre.
Or, dans une séquence sociale chargée ( comme elle ne l'a pas été depuis longtemps) de contestation, d'inquiétude et de colère, telle que celle qui s'installe en France depuis le début du mois de septembre , ce type de comportement n'est pas opportun.
  • Quand une partie de la société française s'installe , comme la très bien dit Ségolène Royal, dans la contestation durable et la résistance.
  • Quand l'inertie, face aux coups de boutoir répétés depuis 2007  contre les acquis sociaux, fait place à l'action, cela a un sens très clair politiquement et ce sens doit être bien compris par ceux qui gouvernent.
La stratégie du « cause toujours, tu m'intéresses » qu'ont adopté Nicolas Sarkozy et le gouvernement, peut avoir des effets désastreux.
- Pour Nicolas Sarkozy lui-même, car son comportement peut être interprété, au mieux, comme du mépris pour les citoyens français qui ne partagent pas les choix de réforme qu'il fait, au pire comme un passage en force contraire à l'esprit républicain et démocrate. Or les Français ont peut-être oublié beaucoup de chose mais pas que le pouvoir s'exerce en LEUR nom.
- Pour les élus de la majorité présidentielle qui, directement associé par leur vote à cette réforme et à d'autre qui ont fait monter la colère des citoyens, courent le risque de voir aux prochaines élections leur mandat leur passer sous le nez. Si Nicolas Sarkozy l'a oublié, eux gardent bien en tête la série d'échecs cuisants de leur parti aux différentes élections depuis 2007.
- Pour les alliés économiques de Nicolas Sarkozy, membre du premier cercle ou du Medef, qui vont se voir confronté, si le mouvement social s'installe dans la durée et dans le durcissement, à des difficultés financières et commerciales qu'ils sont loin d'être en mesure d'affronter et que les finances publiques, surveillées de très près par la communauté européenne et par les instances économiques et financières internationales, ne pourrons les aider à masquer.
En résumé, le candidat Nicolas Sarkozy pourrait, s'il ne change pas de stratégie dans cette réforme des retraites, se retrouver bien seul et fort démuni de soutiens financiers et politiques en 2012.
Car si, en 2007, il a su créer, dans certaines couches de la population, un espoir de mieux vivre, ce ne sont pas quelques cabrioles du genre « je supprime le bouclier fiscal », à la veille des élections, qui vont faire oublier aux électeurs cinq ans de privation de leurs droits, de leur liberté, de leur héritage d'acquis sociaux et le nivellement par le bas de classes entières socio-économiques.
Il en faudra beaucoup plus que des promesses de « remettre à l'endroit ce qu'il a mis à l'envers » pour que lui et ceux qui l'ont soutenu entre 2007 et 2012 retrouvent la confiance des 42 % d'électeurs dont il ont besoin pour faire un second mandat.
Sources: Le Monde; Plume de Presse; Public Sénat ;20minutes; Le JDD

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