mercredi 28 septembre 2011

Les mystérieuses sources d'information de Brice Hortefeux


Le 23 septembre dernier, le parquet de Paris faisait savoir qu'il avait ordonné l'ouverture d'une enquête préliminaire pour violation du secret professionnel et recel, dans le cadre du dossier Karachi. L'enquête a été confiée à la police judiciaire.

Le déclencheur de cette enquête préliminaire est un appel téléphonique passé le 14 septembre par Brice Hortefeux a Thierry Gaubert, dont le téléphone portable était mis sur écoute. Au cours de cette brève conversation téléphonique, Brice Hortefeux informe son ami que sa femme, Hélène Gaubert, entendue par les services de police le 8 septembre, "balance beaucoup " d'informations à la police.

Brice Hortefeux : "Elle balance beaucoup apparemment Hélène"

Thierry Gaubert: "Qu'est-ce que tu as comme infos là-dessus, toi, parce qu'elle me dit qu'elle dit rien"

Brice Hortefeux : "Ça m'embête de te le dire par téléphone […] Il y a beaucoup de choses hein... Je te raconterai, poursuit-il, mais ils ont énormément de choses"

On peut légitimement se demander comment l'ancien ministre de l'intérieur Brice Hortefeux peut savoir que Mme Gaubert a « balancé » aux policiers lors de son audition.

En effet, dans ce genre d'affaires, les policiers chargés de mener une audition sont tenus au respect strict du secret professionnel. Ils sont les seuls, avec leur hiérarchie et le juge d'instruction chargé de l'affaire, à savoir très précisément ce qui s'est dit lors d'une audition et ce qui est écrit sur le procès-verbal qui en résulte.

Or, les policiers ont certifié qu'ils avaient pris soin de conserver le procès-verbal de l'audition et que personne d'autre, à part leurs responsables hiérarchiques et le juge Renaud Van Ruymbeke, ne pouvait savoir que Mme Gaubert leur avait parlé des voyages que son mari avait effectués, en 1995, en Suisse, afin de retirer de l'argent pour le remettre au directeur de la campagne électorale d'Édouard Balladur .

Du reste, comment peut-il savoir qu'il s'agit d'Hélène Gaubert alors que, comme le souligne Magalie Drouet, la fille d'une des victimes de l'attentat de Karachi en 2002,  le nom de Mme Gaubert n'était cité nul part dans les procès-verbaux puisqu'elle a été entendue comme témoin sous X.

Brice Hortefeux a assuré qu'il avait déduit les affirmations faites à Thierry Gaubert  de rumeurs de presse .

Malheureusement pour lui, la chronologie des faits démontre qu'en aucun cas il ne pouvait avoir appris le 14 septembre, par la presse, que Mme Gaubert avait été entendue par la police, dans la mesure où elle n'a été cité nommément par les médias que le 22 septembre, date à laquelle son époux a été mis en garde à vue . 14 jour se sont écoulés entre le moment où Mme Gaubert avait été entendue par la police et celui où son nom est apparu dans les médias.

Le nom du témoin n'étant pas emporté sur le procès-verbal d'audition, seule une toute petite poignée de fonctionnaires de police savait qui était interrogé, comment Brice Hortefeux pouvait-il savoir le 14 septembre que s'était Hélène Gaubert que les policiers avaient auditionné le 8 septembre?

Puisque qu'il est impossible que ce soit par des rumeurs de presse, par qui Brice Hortefeux a-t-il été informé du nom du témoin et du contenu de son témoignage ?

Inutile de préciser que les déclarations de Brice Hortefeux n'ont absolument pas convaincu les avocats des familles des victimes de Karachi.

Les démentis "hasardeux "de Brice Hortefeux  apparaissent d'autant moins convaincants que les services de la Présidence de la République irréprochable ont cru bon de publier un communiqué de l'Élysée dans lequel ils assuraient que le nom de Nicolas Sarkozy ne figurait pas dans le dossier d'instruction concernant le volet financier du dossier Karachi en cours d'instruction.

Deux affirmations qui, immanquablement, laissent penser que le secret de l'instruction est violé.

Comment, autrement, expliquer que les services de la Présidence de la République peuvent donner une telle assurance si ce n'est parce qu'ils ont accès au dossier d'instruction ou parce que des sources internes les informent très précisément de l'évolution de l'instruction ? Ou bien alors, ils mentent délibérément.

Comment expliquer que Brice Hortefeux connaît le contenu d'une audition de témoins sous X et le nom du témoin ?

Me Morice, avocat des familles de victimes, estimant qu'il y a eu "violation du secret de l'enquête et de l'instruction, violation du secret professionnel, recel et complicité" a donc portée plainte, notamment contre M. Brice Hortefeux.

Aux dernières nouvelles, Brice Hortefeux avec quelque velléité de porter plainte contre Me Morice , considérant que les allégations de ce dernier sont des "allégations mensongères et  calomnieuses "

Il n'en demeure pas moins que l'ex ministre de l'intérieur devrait être prochainement auditionné , dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte le 23 septembre, pour expliquer aux enquêteurs comment et par qui il est si précisément informé qu'il peut dire à Thierry Gaubert, le 14 septembre:

"Elle balance beaucoup apparemment Hélène... Il y a beaucoup de choses hein... Je te raconterai, mais ils ont énormément de choses"

Étant donné qu'il est fort peu probable que ce soit le juge Renaud Van Ruymbeke qui soit à l'origine des fuites, l'audition de M. Hortefeux devrait apporter quelques éclaircissements sur ses mystérieuses sources d'information...

Sources : Le Monde ; Europe1 ; le NouvelObs ; le Figaro ; l'Express ; 20 minutes

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