Les avocats de Dominique Strauss-Kahn, avaient jusqu'aux 26 septembre minuit pour déposer leurs conclusions au sujet de la plainte au civil déposé déposée le lundi 8 août 2011. par Nafissatou Diallo. C'est chose faite.
Et il faut reconnaître que les avocats de Dominique Strauss-Kahn n'ont pas hésité devant les moyens procéduraux pour essayer d'éviter à leurs clients un procès qui pourrait cette fois-ci le voir condamné alors que, jusqu'à présent, et contrairement à ce qu'il a affirmé sur TF1 lors de son entretien amical avec Claire Chazal, Dominique Strauss-Kahn n'a absolument pas été reconnu innocent des accusations de viol avec violence portée contre lui par Nafissatou Diallo. Il a tout au plus bénéficié d'une décision du procureur qui doutait de ses capacités à convaincre le jury au-delà du doute raisonnable nécessaire, aux États-Unis, pour qu'un jury prononce une condamnation. Aucun jugement prononcé par un tribunal de l'a déclaré innocent ou coupable.
Le but du présent billet n'est d'ailleurs pas de disserter sur la culpabilité ou l'innocence de Dominique Strauss-Kahn. Il est plus d'analyser les arguments de sa défense, présenté sous forme d'une requête de 25 pages , au juge du tribunal du Bronx qui suit la procédure. Document certes "bien raisonné, bien construit » mais qui est loin d'être convaincant et surtout qui soulève chez moi une énorme interrogation sur la personnalité de Dominique Strauss-Kahn.
Dans leur requête, les avocats de Dominique Strauss-Kahn prétendent que leurs clients, en tant que le directeur général du FMI, et malgré sa démission en date du 18 mai 2011 , bénéficiait d'une immunité judiciaire en matière civile "en vertu des règles établies par le droit coutumier international, que toutes les juridictions fédérales et d'Etat se doivent de respecter, M. Strauss-Kahn était exonéré d'un procès au civil ". Immunité qui, d’après les avocats de DSK, a perduré jusqu'à son départ des États-Unis, début septembre. Immunité totale qui, d'après les avocats de Dominique Strauss-Kahn, aurait pour conséquence, d'obliger la cour à se déclarer incompétent pour la procédure en cours et à la rejeter.
Qu'en est-il de cette immunité de cette immunité dont nous parle la défense de Dominique Strauss-Kahn ?
Lorsqu'on consulte les Statuts du Fonds monétaire international ( ARTICLE IX - Statut, immunités et privilèges - Section 8. Immunités et privilèges des fonctionnaires et employés) on constate que l'immunité des gouverneurs, des administrateurs, des suppléants, des membres du comité, des fonctionnaires employés par le fond monétaire international ne couvrent que les "actes accomplis par eux dans l'exercice officiel de leurs fonctions".
Pour bénéficier d'une immunité en temps qu'employés du front monétaire international, il faut :
- être en activité et pas à la retraite
- agir dans le cadre d'une mission officielle, et non dans le cadre d'une activité personnelle
- occuper effectivement et personnellement la fonction qu'on vous a attribuée
Il n'est en aucun cas question d'une immunité totale des personnels travaillant pour le fonds monétaire international quelque soit leur occupation. C'est d'ailleurs ce que William Murray, porte-parole du FMI , avait déclaré à l'issue d'un conseil d'administration du FMI : “Dominique Strauss-Kahn n'a pas l'immunité diplomatique pour les questions non liées aux activités officielles du FMI”. Il ne bénéficie de cette immunité que tant qu'il occupe la fonction.
l'International Organizations Immunities Act, législation fédérale en vigueur aux Etats-Unis, à laquelle les avocats de Dominique Strauss-Kahn font référence dans leur requête, renforce d'ailleurs cette appréciation de l'immunité limitée en précisant que les fonctionnaires internationaux ne bénéficient de l'immunité que "pour les actes accomplis dans le cadre de leur fonction". Or, Dominique Strauss-Kahn n'est visiblement pas au Sofitel dans le cadre de sa fonction . Si tel était le cas, il aurait occupé l'appartement de fonction que le FMI met à la disposition de son personnel dirigeant à New York. Autre point qui plaide en faveur d'une activité privée, c'est qu'à sa sortie de l'hôtel, Dominique Strauss-Kahn a lui-même précisé qu'il s'était rendu à un déjeuner avec sa fille qui ne travaille pas pour le FMI ni pour aucune instance internationale.
La Convention de Vienne, ratifiée par les États-Unis en 1972, précise il n'y a pas qu'immunité pour une "action concernant une activité professionnelle ou commerciale exercée par l'agent diplomatique dans l'Etat accréditaire en dehors de ses fonctions officielles."
Si l'on regarde le cas de Dominique Strauss-Kahn:
- il a démissionné le 18 mai 2011, ce qui veut dire qu'à partir de cette date il n'occupe plus aucune fonction qui lui permette de bénéficier d'une quelconque immunité totale ou partielle.
- La fonction qui justifiait une telle immunité est occupée par Christine Lagarde dès le 28 juin 2011. Si l'on peut considérer à l'extrême limite, au regard du règlement du FMI, que Dominique Strauss-Kahn était couvert par l'immunité inhérente à sa fonction, c'est tout au plus jusqu'aux 28 juin 2011.
- La plainte au civil est déposée le 8 août 2011, soit un mois et 10 jours après la fin de l'immunité dont bénéficiait Dominique Strauss-Kahn. On peut convenir que Dominique Strauss-Kahn était couvert par l'immunité diplomatique lorsqu'il a été arrêté et poursuivi au pénal mais, dans le cadre de la plainte déposée le 8 août 2011, il est inconcevable qu'ils bénéficient d'une immunité diplomatique à laquelle il a renoncé le 18 mai en démissionnant.
- De l'aveu même de Dominique Strauss Kahn et de ses avocats, la relation avec Nafissatou Diallo na pas été une relation tarifée, commerciale, ayant eu lieu dans le cadre d'une activité professionnelle , la Convention de Vienne ne devrait pas pouvoir être appliquée dans le cas de Dominique Strauss-Kahn.
La requête des avocats de Dominique Strauss-Kahn relève d'une interprétation étonnante du concept d'immunité diplomatique. À les en croire, elle couvre son bénéficiaire 24 heures sur 24, " ad vitam aeternam" et quels que soient les actes qu'il commet. Or, après consultation des textes internationaux portant sur ce sujet, il n'en est rien.
Le 12 octobre, ces avocats devront plaider leur demande de rejet de la plainte pour cause d'immunité de leurs clients, devant le tribunal du Bronx. À l'issue de cette séance, il appartiendra au juge McKeon de décider si Dominique Strauss-Kahn était à New York ce week-end la à titre officiel ou pour affaire personnelle .
A suivre donc.
En attendant, en tant que citoyenne française, en tant que sympathisantes pour les valeurs et les idées socialistes, sans préjuger de la culpabilité ou de l'innocence de Dominique Strauss-Kahn dans cette affaire, je suis profondément choquée du comportement de celui qu'une certaine gauche a voulu m'imposer comme candidat à la Présidence de la République. Je trouve extrêmement choquante l'interprétation que les avocats de Dominique Strauss-Kahn font du concept d'immunité, probablement avec l'accord de leur client.
À les entendre, l'immunité diplomatique permet à ceux qui en bénéficient de faire tout et n'importe quoi, sans encourir la moindre sanction. Et leur client approuve « de fait » une telle interprétation.
Il accepte que lui soit accordé un privilège exorbitant au droit commun. Privilège qui, dans des démocraties qui se respectent, ne saurait être toléré.
Il accepte, pour éviter un jugement qui somme toute, si il est réellement innocent, ne lui fait courir aucun risque, que ses avocats déposent une requête dans laquelle ils prétendent que leurs clients, au regard de sa fonction de directeur du FMI, est trop important pour être poursuivi ... Étonnant d'ailleurs que cet argument de l'immunité diplomatique totale n'est pas été avancé avec fermeté en mai 2011. Ça aurait évité à Dominique Strauss-Kahn bien des tracas, dont l'emprisonnement et le "rendez-vous manqué avec les Français" dont il se plaint tant !
Que Dominique Strauss-Kahn avance, au travers de la requête de ses avocats, de tels arguments, pour essayer d'éviter un procès, laisse planer un sérieux doute sur sa totale innocence et sur les valeurs morales et politiques dont il est porteur. Se croire au-dessus des lois est plutôt l'apanage des aristocrates et non de républicains et encore moins de vrais socialistes.
Pour ce qui me concerne, mon opinion est faite. Dominique Strauss-Kahn accepte délibérément, consciemment, de défendre l'idée que certaines personnes sur notre planète peuvent absolument tout se permettre sans encourir les foudres de la loi. Pour quelqu'un qui se prétend socialiste, donc égalitaire, se protéger de la sorte est un reniement d'une valeur fondamentale du socialisme. A titre personnel DSK réclame donc l'application d'un privilège exorbitant, ce qui pour un républicain se revendiquant d'un pays qui a aboli les privilèges est tout de même un comble!
Je ne vois, dans la requête des avocats de Dominique Strauss-Kahn, qu'une tentative désespérée mais extrêmement révélatrice d'une mentalité qui me paraît très éloignée des valeurs socialistes.
Je ne vois dans cette requête qu'une manœuvre procédurale honteuse qui, bien loin de laver l'honneur de Dominique Strauss-Kahn, entache gravement l'image « d'innocent » que l'ex-directeur du FMI tente de se construire.
Il y a, dans cette façon de se réfugier derrière l'immunité diplomatique, de ne pas vouloir se défendre à armes égales au cours d'un procès, une forme de lâcheté infantile qui, loin de susciter l'empathie, suscite chez moi le mépris et le soulagement qu'une telle personnalité n'est pas accès à la Présidence de la République Française.
Sources : cour suprême de New York ; le JDD ; Yahoo ; le Figaro; FMI; Reuters; le Point ; LCI ; 20minutes ; le Monde ; Ouest France
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