La mise en examen, jeudi 8 septembre, du sénateur socialiste et président du conseil général des Bouches-du-Rhône Jean Noël Guerini vient mettre un peu de piment dans l'insignifiante campagne pour la primaire menée par Martine Aubry et François Hollande.
En effet, au fil des charges, retenues par le juge marseillais, contre Jean Noël Guerini et du peu de cas que la direction du Parti Socialiste a fait du rapport d'Arnaud Montebourg, on est en droit de se demander à quel titre Jean Noël Guerini a pu bénéficier de l'inaction de François Hollande et de la bienveillante clémence de Martine Aubry.
Jean Noël Guerini - sénateur depuis le 1er octobre 1998 et président du conseil général des Bouches-du-Rhône depuis août 1998 - est soupçonné par la Justice de notre pays de "prise illégale d'intérêt, association de malfaiteurs en vue de réaliser un trafic d'influence" ainsi que de malversations présumées touchant à des marchés publics et impliquant son frère Alexandre. Cette mise en examen s'inscrit dans le cadre d'une enquête sur l'exploitation présumée frauduleuse de décharges, ainsi que sur l'obtention de marchés auprès de collectivités par des sociétés soupçonnées de blanchiment et de liens avec le banditisme
Un malheur n'arrivant jamais seul, on apprenait ce vendredi soir qu'un adjoint au maire de Berre-L'Etang, dans les Bouches-du-Rhône, Raymond Bartolini, avait été mis en examen et écroué à Marseille dans le cadre d'un dossier de blanchiment touchant à des marchés publics instruit parallèlement à l'affaire Guerini.
Sans préjuger de la présomption d'innocence de ces deux « élus de la république », on peut tout de même s'interroger sur les fortes présomptions d'entente illicite, lors des appels d'offres lancées concernant les marchés relatifs aux déchets attribués en Provence-Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon.
Surtout lorsqu'on apprend que le 7 septembre dernier, le président socialiste du syndicat d'agglomération nouvelle d'Ouest Provence, Bernard Granié, a été condamné par la cour d'appel d'Aix à deux ans de prison ferme, 100 000 € d'amende et cinq ans d'inéligibilité pour corruption dans le cadre d'un marché public de collecte de déchets.
3 élus socialistes accusés de ne pas respecter les règles relatives aux marchés publics, dans la même région, vous avouerez que ça commence à faire beaucoup et qu'on n'est pas loin de penser qu'il y a là un système bien rôdé visant, notamment en matière de collecte de déchets, a abuser de son statut d'élu pour mener des affaires financières un peu glauques.
De fait, on peut se demander légitimement si, Benoit Hamon, le porte-parole du parti socialiste, n'oublie pas quelques “détails de l'histoire” lorsqu'il déclare à l'antenne de la chaine i>Télé
"L'UMP cherche à faire de l'affaire Guérini un dossier qui embarrasse le PS".
Malheureusement je crois que depuis 10 ans le PS a TOUT fait pour être embarrassé par cette affaire sans l’aide de personne!
Il est probable que l'UMP-FN se réjouit fort de constater que Martine Aubry, première secrétaire du Parti Socialiste depuis sa nomination contestée à cette fonction le 26 novembre 2008, se retrouve avec trois élus socialistes de la même région devant répondre devant la Justice d'accusations de corruption, de blanchiment d'argent sale, de prise illégale d'intérêts ou de trafic d'influence...
Il est également fort probable que l'UMP-FN n'a certes pas oublié qu'avant Martine Aubry, c'était François Hollande qui, depuis le 27 novembre 1997, occupait la fonction de dirigeant du Parti Socialiste et qu'un système de corruption, telle qu'il apparaît au fil des mises en examen et des procès, ne peut en aucun cas avoir été mis en place d'un coup de baguette magique. Pour qu'un tel système s'installe et fonctionne il faut au bas mot une bonne dizaine d'années.... Un tel système ne peut s'installer à l'échelle d'une région avec la complicité silencieuse de l'ensemble des élus socialistes. Il y a donc eu nécessairement, au moment où François Hollande était à la tête du parti socialiste, des alertes émanant d'élus locaux. Alertes dont il n'a pas tenu compte manifestement.
Très naturellement, comme l'a fait à juste titre l'état-major du Parti Socialiste depuis 2007 pour chaque affaire judiciaire impliquant un membre de la majorité gouvernementale, l'UMP-FN ne saurait se priver, à l'aube des campagnes pour l'élection présidentielle et pour les élections législatives, d'exploiter les faiblesses, pour ne pas dire le laxisme, des deux successifs premiers secrétaires du Parti Socialiste. Il y a là une opportunité formidable pour eux de s'exonérer de débat de fond et d'un bilan calamiteux.
De la à clamer partout, comme le font Jean Noël Guerini et Benoît Hamon, qu’il y a machination et à sous-entendre que la Justice et les juges qui mènent l'enquête le font sur ordre du gouvernement… C’est aller bien trop loin et ne pas vouloir, une fois de plus se remettre en cause. C’est faire de la communication a bon compte en oubliant que les électeurs ne sont pas dupes.
C'est oublier un peu vite que depuis plus d'un an, au sein même du parti socialiste, une alerte avait été donnée concernant les agissements de Jean Noël Guerini. La direction du PS était-elle trop occupé à prendre le pouvoir et à placer ses pions pour entendre cette alerte?
C'est oublier que cette alerte lancée à Martine Aubry, dès le mois de juin 2010, n'a été examinée par le bureau national du Parti Socialiste que le 8 mars 2011. Pourquoi un tel délai ?
C'est oublier également qu'après avoir longtemps prétendu qu'elle avait perdu ce rapport Montebourg, Martine Aubry a déclaré qu'il n'y avait rien dedans et qu'elle a refusé de lire les preuves étayant ce rapport qui lui ont été envoyé par la suite. Il serait bon que Martine Aubry nous explique pourquoi, d'emblée, elle n'a pas voulu croire le député Montebourg qui, ayant mené une enquête pour l'Assemblée Nationale sur le sujet de la corruption, est de loin au parti socialiste le plus à même de détecter rapidement un système corrompu. Pourquoi Martine Aubry a-t-elle refusé de prendre connaissance des preuves étayant le rapport d'Arnaud Montebourg ?
C'est oublier le cynisme avec lequel François Lamy, le bras droit et homme à tout faire de Martine Aubry, a renvoyé Arnaud Montebourg « soutenir les candidats aux cantonales. Ce n'est pas responsable de mettre en cause une fédération sur la base d'affirmations péremptoires». Étrange comportement de François Lamy qui enjoignait le député de Saône-et-Loire d'aller soutenir les candidats aux cantonales de mars 2011 alors qu'il était notoirement connu qu'aux élections régionales de mars 2010 la Fédération et le Conseil général des Bouches-du-Rhône avait mené un boycotte non dissimulé de la campagne du Président de Région, sans qu'il ne reçoive aucune injonction de la part de Martine Aubry ou de François Lamy. Pourquoi ce deux poids deux mesures, dans quel intérêt pour le Parti Socialiste ?
C'est enfin oublier le “cautère sur une jambe de bois” qu'a représenté le rapport d'Alain Richard et l'innocuité des mesurettes qui l'ont suivi... Réduire la taille des sections en laissant à leur tête ceux-là mêmes qui ont contribué au fonctionnement du système Guerini, c'est tout faire pour que le système continu à fonctionner. Reconnaître, comme le fait Alain Richard dans son rapport de contre-enquête que "Plusieurs des affirmations énoncées dans ce rapport" ne sont pas "dénuées de tout lien avec la réalité" et ne rien trouver à redire au "système" Guerini, c'est pour le moins démontrer qu'on fait soi-même partie d'un système un peu glauque. Pourquoi si peu de changements alors que la situation était gravissime?
Autant d'incompétence, de mesquinerie, de petites cuisines électorales, de calculs politiciens, en un mot de laxisme dans le traitement de questions fondamentales qui impactaient les valeurs d'honnêteté, de respect des finances publiques, de respect des statuts mêmes du Parti Socialiste, de respect des citoyens et des électeurs, ne peut passer inaperçu aux yeux de l'UMP- FN et encore moins aux yeux des électeurs de gauche.
C’est soit faire preuve d'une grande naïveté, soit faire preuve d'un profond mépris pour les électeurs de gauche que croire un seul instant :
- que la direction du Parti Socialiste sera suivie par les électeurs de gauche dans l'affirmation de son porte parole qu'il ne s'agit, dans l'affaire Guerini, que d'une manœuvre politique
- qu'il lui suffira d’argüer de la présomption d'innocence pour ne pas avoir à répondre de sa façon de gérer ce dossier, qui ne touche pas seulement Jean Noël Gerini mais une bonne partie des élus socialistes des Bouches-du-Rhône
Et quand je constate que Georges Frêche a été exclu très vite du parti socialiste, sans attendre que la justice le lave de toutes les accusations de propos racistes dont on l'avait affublé à tort, et que, alors que dans l'affaire Guerini ou l’on parle, excusez moi du peu, de crime pénale , d'association de malfaiteurs, de détournement de fonds publics, - comme dans l’affaire DSK ou l’on parle de viol- Martine Aubry met en avant la présomption d'innocence, j'en viens à me demander si les valeurs d'équité, de probité, qu'on peut attendre de socialistes, ne sont pas jetées par-dessus la jambe par certains d'entre eux, lorsqu'il s'agit de préserver un soutien électoral régional ou d'en abattre un autre.
Quand , en plus, je lis des articles de journalistes et d'internautes qui soutiennent François Hollande ou Martine Aubry, où l'on s'offusque qu'on ose mettre en doute l'efficacité, le sens des priorités, la réactivité de leurs « héros », où l'on semble découvrir que les adversaires politiques du Parti Socialiste ne sont pas suffisamment idiots pour ne pas aller chercher les "petits secrets cachés sous le tapis" des oligarques su PS, je me demande si vraiment ces gens-là pensaient sincèrement accéder au pouvoir simplement en nous berçant de promesses, en nous abreuvant des valeurs de la gauche sans jamais nous en donner l'exemple ou en nous assénant des concepts ésotériques tels que le « care » ou le « candidat normal ».
Que Ségolène Royal, Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon dérangent l'oligarchie socialiste se comprend mieux au vu du décalage entre les ronrons feutrés de salonards teinté de bureaucrates, coupés de la rudesse du terrain, persuadés que, de guerre lasse, les électeurs français les préfèreront à la droite gouvernementale et frontiste sans qu'ils n'aient à faire la preuve qu'on pouvait leur confier la remise en marche d'un pays ravagé par 10 années de libéralisme effréné.
Parler vrai, traiter rapidement les problèmes lorsqu'ils se présentent, agir pour le bien commun et non pour manœuvrer un appareil à son seul profit, démontrer chaque jour ses compétences réelles à maitriser des problématiques complexes en gardant en tête des valeurs républicaines et humaines semblent, à l'heure actuelle, hors de portée de Martine Aubry et de François Hollande.
Je pense même que l'inaptitude à gouverner dont ils ont fait preuve au travers de l'affaire Guerini est un handicap profond pour les campagnes présidentielles et législatives à venir. Et c’est extrêmement préoccupant pour la suite des évènements car la mobilisation massive des électeurs de gauche au second tour est très compromise, à cause du comportement de François Hollande et de Martine Aubry dans le cadre de l’affaire Guerini qu’ils n’ont pas empêché à temps d’éclater.
Sources : le Figaro ; le JDD ; 20minutes ; Le Monde ; Sud-Ouest; Rue89 ; PS 13 ; Marsactu ; l'Express ; le Nouvel Obs
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire