Parmi les idées clés de Ségolène Royal , candidate à l'élection présidentielle de 2012, figure une mesure clé : le licenciement boursier.
Il est dommage que certains, aujourd'hui 1er octobre 2011, prétendent encore que cette proposition correspond à la réinstauration du licenciement administratif ou bien qu'elle est inutile puisque la loi sur le licenciement économique prévoit déjà de sanctionner les entreprises qui rentrent dans le cas de la proposition de Ségolène Royal.
C'est soit faire la démonstration qu'on n'a absolument pas lu le projet de loi de Ségolène Royal et/où qu'on connaît très mal la définition du mot économique tel qu'elle est donnée dans l'article L1233-3 Modifié par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5 du code du travail. Car en aucun cas, le projet de loi de Ségolène Royal ne restaure le licenciement administratif tel qu'il existait avant sa suppression par le gouvernement Chirac, en 1986. et il n'entre absolument pas dans les cas ciblés par la loi sur licenciement économique.
Entre nous soit dit, je trouve extrêmement malheureux pour les 5 millions de chômeurs que connaît actuellement la France, qu'après l'alternance - qui a permis à Jacques Chirac et à son gouvernement de supprimer le licenciement administratif - Lionel Jospin et son équipe gouvernementale n'aient pas réinstauré l'obligation d'un contrôle administratif avant tout licenciement. Cela aurait évité bien des délocalisations, bien des chômeurs, et aurait été un premier pas pour freiner la mainmise des comptables et financiers sur la gestion des entreprises. Il est intéressant de constater que les mêmes ( leaders syndicaux et leaders du PS de l'époque ) qui ont livré les salariés à l'ultralibéralisme, qui entretiennent la confusion entre la proposition de Ségolène Royal et le licenciement administratif ou économique...
Alors, pour leur ouvrir les yeux et les oreilles, je leur conseille d'écouter attentivement l'explication que donne Ségolène Royal, lors de l’émission Le Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro , de ce qu'elle nomme le licenciement boursier et des raisons pour lesquelles elle veut faire voter cette loi. Ils constateront comme moi qu'à part si on considère que la Justice est une administration, il n'est en rien, et à aucun moment, question de faire trancher le litige administrativement.
Ségolène Royal ,lors du dernier meeting à Toulouse , illustre que la solution qu'elle propose est une réponse à un constat partagé par toutes les personnes qui travaillent dans le domaine du salariat, de l'emploi, de l'entreprise, du droit du travail :
L'exemple de l'usine toulousaine de composants électroniques Freescale - qui va supprimer 821 emplois d'ici fin 2011, alors que cette entreprise a un carnet de commandes, à court, moyen et long terme, qui justifie le maintien de 821 emplois, alors qu'elle réalise des bénéfices faramineux et distribue des dividendes juteux à ses actionnaires - est en cela un excellent exemple de cette catégorie d'entreprises qui ne sont pas incluses dans ce texte de loi mais qui s'y réfèrent pour licencier alors qu'elles font des bénéfices (et donc non pas de difficultés économiques) et veulent simplement augmenter les dividendes de leurs actionnaires. À la différence des cas prévus par la loi en matière de licenciement économique, dans le cas du licenciement boursier, les entreprises ne rencontrent AUCUNE difficultés économiques, mais par des jeux d'écritures comptables, des interprétations tortueuses de la loi actuelle, elles peuvent, en toute impunité, licencier des milliers de personnes, fermer des usines et détruire le réseau industriel français !
On le voit dans ce qui précède, lorsque Ségolène Royal parle de licenciement boursier, il ne s'agit pas de ces entreprises désignées dans le code du travail (Article L1233-3 Modifié par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5) qui licencient parce qu'elles rencontrent des difficultés économiques ou ont a faire face à des mutations technologiques. Il y a bel et bien un vide juridique qu'il est nécessaire de combler et c'est ce que Ségolène Royal propose de faire en promettant d'inscrire dans la loi le fait que toute entreprise qui fait des profits n’aurait plus le droit de licencier pour causes économiques.
En cela, Ségolène Royal connaît parfaitement la loi et ses lacunes et elle connaît également parfaitement la définition du licenciement boursier , communément admise dans les milieux de la finance. Ce qui ne semble pas être le cas de ses détracteurs qui prétendent qu'il existe déjà une jurisprudence amplement suffisante et qu'il n'est nul besoin de modifier la loi. C'est un fait que la Chambre sociale de la Cour de cassation,a jugé au moins(1997) que pour respecter la loi une réorganisation devait être « effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et non en vue d’augmenter les profits ». Néanmoins il ne faut pas oublier qu'en France, pays où l'égalité de traitement devant la loi, et non devant la jurisprudence, est une obligation, seule la loi s'impose à tous alors que la jurisprudence reste une interprétation possible d'un texte de loi et, de ce fait, est laissée au bon vouloir des juges.
Ségolène Royal a donc raison de vouloir inscrire dans la loi l'interdiction des licenciements pour les entreprises qui ont en priorité pour objectif de privilégier le niveau de rentabilité de l’entreprise. Précision importante qui n'est pas intégrée dans l'actuelle loi sur le licenciement économique.
En résumé, la proposition Ségolène Royal vise un objectif :
Toute entreprise (maison-mère et filiales) , de plus de 250 salariés , qui ferait des profits ne pourrait pas licencier.
Cette interdiction de licenciements boursiers est complétée par la possibilité pour l'État de rentrer à son capital, de demander le remboursement de toutes les aides publiques reçues et de racheter l'usine pour l'euro symbolique: «ce sera en tout cas très dissuasif».
Le projet de loi de Ségolène Royal répond à une exigence de SERENNITE et CELERITE. Il s'appuie sur un dispositif de concertation et non sur l'administration publique : la démocratie sociale, le dialogue sociale . En cela, il n'a rien à voir avec l’autorisation administrative de licenciement . Le processus et les acteurs en sont, du reste totalement différents.
Le processus se déroule en trois phases :
Phase 1: Validation entre dirigeants de l’entreprise et les représentants des travailleurs du motif de licenciement et de sa légitimité économique
Issue 1: après vérification conjointe de la situation économique et financière de l'entreprise les parties concluent qu'il ne s'agit pas d'un licenciement boursier => feu vert pour licencier.
Issue 2: il y a désaccord entre les deux parties sur la légitimité économique du licenciement . Le processus rentre en phase 2.
Phase 2: désignation d’un expert indépendant
En cas de désaccord, les deux parties s’entendent sur la désignation d’un expert indépendant (ce qui se fait en Europe du Nord et Allemagne en cas de litige) qui va dire si, oui ou non, les licenciements sont boursiers ou non.
Issue 1: si expert conclue qu'il ne s'agit pas d'un licenciement boursier => feu vert pour licencier.
Issue 2: une des parties est insatisfaite du jugement de l’expert indépendant. Le processus rentre en phase 3.
Phase 3: C’est à la justice de trancher
Le juge applique la loi, dit le droit, et statue sur la question du licenciement.
A ce stade du projet, je ferai deux réserves importantes :
- Compte tenu de l'état de dégradation de la confiance des salariés vis-à-vis des représentants syndicaux, compte tenu du faible taux de syndicalisation en France, compte tenu du très faible des positions très souvent pro- patronales de certains syndicats, ce point du projet mérite d'être approfondi pour que réellement les salariés, y compris ceux qui ne sont pas adhérents à un syndicat, soit présents dès le début de la phase 1 du processus.
- Il est indispensable de préciser le domaine de compétence des experts qui interviendraient en phase 2. En effet, force est de constater que ces experts ne peuvent être que des experts-comptables, ces derniers sont malheureusement trop souvent ceux qui donnent des conseils de management et de gestion qui les entraînent à s'orienter vers un licenciement boursier. Il conviendrait donc que ces expertises soient faites par des équipes pluridisciplinaires constituées par des comptables, des spécialistes des conditions de travail, de l'organisation du travail, qui effectueraient un véritable diagnostic exhaustif et une analyse prospective de l'entreprise .
L'objectif de cette proposition de loi est clair : il s'agit tout simplement d' interdire que des entreprises licencient uniquement pour augmenter le profit des actionnaires et de vérifier dès le début d’une procédure de licenciements qu’il ne s’agit pas de licenciements boursiers.
Non seulement ce projet de loi vient combler un vide juridique dommageable pour les salariés mais également pour l'économie du pays, mais il introduit une nouveauté qui réside dans l’examen et le contrôle préalable de conformité à la loi d'une décision de licenciement. Cet examen ne correspond en rien à une résurrection de l’autorisation administrative de licenciement, parce que le contrôle préalable est fait par des experts qui vérifient la situation économique de l'ENSEMBLE de l'entreprise ( maison mère + filiales) et parce que ce n'est pas l'inspection du travail qui tranche mais la justice et qu'elle fait à l'issue d'un dialogue social.
Ce projet n'offre certainement pas la protection maximale que celle que garantissait l'autorisation administrative de licenciement. Il est regrettable qu'à l'issue de la deuxième cohabitation certains socialistes n'est pas jugé bon de réintroduire cette autorisation dans le code du travail. Il est cependant choquant de voir que ces mêmes socialistes, au bout de 25 ans de ravages social, économique et humain se permettent de considérer avec mépris la seule proposition qui permettrait aux salariés d'être laminé par la recherche permanente d'encore plus de profits, au prétexte que ces Ségolène Royal qui l’a fait.
Sources: LégiFrance ; TF1 ; le Point ; Edubourse ; CT2E; force citoyenne 94
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