mercredi 14 septembre 2011

Citoyen, Citoyenneté, Civisme

Le mot citoyen fait partie du registre du vocabulaire politique.

Un bien beau mot qui, des cités-états grecs  , en passant par la révolution française de 1789, à nos jours, a subi bien des avatars, bien des attaques. Un concept qui aujourd'hui semble vidé de toute sa substance tant il semble, que pour certains, il soit synonyme de corvée, de droit mais pas de devoir (et vice versa). Tant il sert de clivage élitiste entre ceux qui auraient, en politique, tous les droits, les élus, et ceux qui n'aurait qu'un devoir, celui d'élire.

Pour bien comprendre toute l'ampleur de ce magnifique mot, il convient dans un premier temps de faire un bref rappel étymologique historique. Puis, dans un second temps nous tenterons d'établir un état des lieux du champ que recouvre le concept de citoyens et ses dérivés sémantiques : citoyenneté, civisme, droit, devoir. Enfin, nous ébaucherons des pistes de solutions autour de la question de la participation démocratique à laquelle fait référence le mot “ citoyen “ .

Il prend son origine dans le latin civis, que l'on peut traduire par : celui qui a droit de cité, qui est admis à user de certains droits dans la cité. C'est un statut social et juridique. Pour les Grecs, inventeur de la Démocratie et de la République, la cité, plus que le territoire géographique, désignait l'ensemble des gens qui agissaient de concert, étaient capable de s'assembler pour traiter des problèmes les concernant (lois, guerres, justice, administration).

A cette organisation linéaire du pouvoir politique, s'oppose, dans le reste de l'Europe, une organisation beaucoup plus pyramidale et hiérarchisée dans laquelle seule une petite élite détient tous les pouvoirs. Pas question ici de citoyens mais- dans les royautés qui se sont succédé jusqu'au XVIIIe siècle- de sujets. Dans cette conception royaliste, l'homme est passif dans le traitement des problèmes concernant le « vivre ensemble ».
Ça n'est, en France, qu'à partir de 1789 que le mot citoyen va être utilisés pour désigner tout homme vivant en France, sans notion de hiérarchie, d'appartenance à une catégorie sociale. Il sera utilisé 10 fois dans le texte de la DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE 1789 , notamment dans les articles 6, 7,11, 13 et14.

À la lecture de ces articles, on constate qu'en 1789, l'esprit de la révolution est totalement égalitaire et non discriminatoire.Liberté et égalité sont des droits inaliénables du citoyen et les piliers de sa citoyenneté .

  • Le citoyens a le droit de participer à la construction des lois.
  • Aucun emploi public ne peut lui être refusé si il y a « les vertus et les talents » nécessaires pour les tenir.
  • Il a le droit de s'exprimer librement.
  • Il a aussi des devoirs, notamment celui de contribuer au financement du fonctionnement de la nation, dans la mesure de ses moyens.
  • Mais là encore il a le droit, sans intermédiaire, de vérifier que cette contribution est nécessaire ainsi que de régler les modalités de recouvrement et de durée de cette contribution.

À partir du milieu du XIXe siècle, le concept de nationalité va considérablement modifier les conditions d'attribution de la citoyenneté. Nous en retrouvons encore, à l'heure actuelle des traces extrêmement prépondérantes. Dans la France actuelle, pour prétendre à être un citoyen français, il ne suffit pas d'habiter en France, ni d'y être né, mais il faut désormais répondre à plusieurs critères essentiellement juridiques :

il faut détenir la nationalité  française et jouir des droits civils et politiques (ex : droit de vote) qui s'y rattachent. Il faut également être un individu majeur. Ce qui exclut d'emblée de la citoyenneté les mineurs, les majeurs sous tutelle et personne déchue de leurs droits par les tribunaux. A condition de rassembler tous ces critères et d'accepter de relever de la protection et de l'autorité d'un Etat, dont il est un ressortissant, un citoyen bénéficiera de droits civiques et politiques et devra accomplir des devoirs  envers l'Etat (ex : payer les impôts, respecter les lois, remplir ses devoirs militaires, être juré de Cour d'assises...).  Il pourra donc jouir d'une citoyenneté  qui lui assure l'égalité des droits avec les autres citoyens, et éventuellement faire preuve de civisme

État des lieux

Sans remonter à la période grecque, force est de constater qu'entre l'esprit de la révolution de 1789- qui reconnaissaient que "Liberté et égalité sont des droits inaliénables du citoyen et les piliers de sa citoyenneté" - et la citoyenneté limitée que nous connaissons actuellement, le rôle du citoyen a été considérablement restreint.

1) Il n'est plus participant dans le débat démocratique, qui se déroule le plus souvent par écran télévisé interposé et uniquement au sein de la classe politico-technico-médiatique.

Il ne participe que très sporadiquement aux décisions politiques- par la biais de référendum dont il ne maitrise que très peu le contenu, l'initiative et l'application- qui le concernent et impactent sa vie quotidienne.

2) La forme juridique et la durée du mandat représentatif excluent tout pouvoir de contrôle et d'interaction du citoyen avec le mandataire. De fait une fois élu pour 5 à 6 ans, le mandataire agit au nom de la souveraineté Nationale, décide en son âme et conscience et est seul juge de l'intérêt du plus grand nombre.

3) il est difficile pour de très nombreux citoyens d'accéder librement aux différents lieux de décision. Que ce soit des lieux de préparation ou de délibération de décisions administratives ou législative, le citoyen est totalement "interdit de présence et de prise de parole ou de contrôle".

4) La représentation politique est l'apanage des classes sociales- les plus nanties économiquement et culturellement - de la société. L'exercice de la Souveraineté ne se fait que par et pour les classes sociales nantis, les classes défavorisés se voient dépossédées, de fait, de l'essence de leur existence citoyenne, au sens politique et non juridique du terme.

Exclus du débat politique, exclus de la Souveraineté qui pourtant s'exerce en leur nom, exclus de la préparation du vote et du contrôle des lois, comment dès lors s'étonner que 56% des citoyens n’exercent plus leur droit de vote, 56% des citoyens ne s’intéressent plus à être représentés, ne font plus confiance à la représentation élue pour répondre à leurs aspirations et pour résoudre les difficultés de la vie. Comment s'étonner de l'abstention politique croissante des groupes les plus fragiles de la société (catégories populaires, jeunes, chômeurs…)

Citoyen, Démocratie, Politique, République sont les éléments d'un système de "vivre ensemble" dont chacun des éléments doit parfaitement tenir son rôle pour que le système fonctionne de façon optima. Or on constate:

a) une atrophie de l’idéal démocratique
Les sociétés modernes à partir de la fin du XVIIIe siècle ont opéré une “atrophie de l’idéal démocratique” (C. Colliot-Thelene, « L’ignorance du peuple »). Ce faisant, elles ont considérablement limité restreint le champ d'intervention et les marges de manœuvre du citoyen dans la résolution des problèmes qui le concerne.

Je ne prendrai qu'un exemple pour illustrer ce constat: la participation directe et personnelle du citoyen aux décisions et à la formation de la loi telle qu'il est écrit dans l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

"La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation."

À bien y regarder, cet article 6  stipule clairement que les citoyens ne doivent pas obligatoirement passer par l'intermédiaire de leurs représentants pour concourir à la formation de la loi. Malgré cela, depuis plus de 200 ans, toutes les lois qui régissent la société française ont été votées uniquement par des représentants (qui tous ne sont pas élus au suffrage universel). Élire un monde un représentant est l'unique moyen, pour un citoyen, de concourir à la formation de la loi.

b) Un dévoiement de la définition de l’intérêt général
Jusqu'à il y a environ 30 ans, l’État pouvait se prévaloir  du monopole de la définition de l’intérêt général parce que partis politiques et syndicats, qui représentaient les citoyens dans les instances de décision et exerçaient un contre pouvoir, avaient un fort nombre d'adhérents. Aujourd'hui, on constate  un affaiblissement croissant de ces organisations avec comme conséquence palpable la montée en puissance de corporatisme et de lobbys économiques, culturels qui acquièrent chaque jour d'avantage de pouvoirs d'influence sur les décisions de l'Etat.

Pire même, l'Etat, par l'intermédiaire du gouvernement entrave les référendums d'initiative populaire, qui permettrait aux citoyens de concourir à la formation de la loi. La médiocre tentative faite par Nicolas Sarkozy et le Parlement français de créer - en y mettant des conditions draconiennes et peu réalistes - un référendum d'initiative populaire, votée par le Parlement, ne bénéficient toujours pas d'un "décret d'application". Ce qui ont dit long sur la volonté de l'ensemble de nos représentants de ne pas respecter cet article 6 de la constitution !

c) Une conception « minimaliste de la démocratie » et par conséquent de la consultation du citoyen.
Notre système électoral  exclut la participation des citoyens à l’exercice du pouvoir et du contrôle de cet exercice alors même que  le sens de la Démocratie implique au contraire la participation active et quasi permanente du citoyen à chaque étape du processus de décision et de résolution des problèmes qui le concernent.

Dans la conception actuelle de l'organisation politique, le citoyen est la plupart du temps passif et sa participation au traitement des problèmes ne se concrétise épisodiquement qu'au moment d'élections " généralement bipolaires sans réels enjeux. " et/ou lorsqu'il faut payer l'impôt ou les taxes finançant les décisions politiques gouvernementales.

Entre la citoyenneté directe de la Grèce antique et la citoyenneté que nous connaissons actuellement sont venus s'interposer différentes strates d'intermédiaires et d'institutions qui coupent totalement le citoyen de la décision qui le concerne, réduisant le plus souvent son rapport à la loi, à la Res Publica, à un rapport de soumission. L'obligeant à une forme pernicieuse de soumission volontaire.

On peut, comme le fait Denis Duclos ( "Une nouvelle caste planétaire" - in Manière de voir n°99, Juin-Juillet 2008) s'inquiéter qu'une " métamorphose du libéralisme en autoritarisme s'annonce depuis 1989. Un dispositif de contrainte et de hiérarchisation s'esquisse, analogue à celui des anciens empires. Nous entrons dans un règne qui vise, comme jadis à parachever son hégémonie par l'exaltation des fantaisies des puissants, l'abaissement de citoyens libres et l'écrasement des indigents."

Mais le constat brutal s'impose : La politique n'est plus l'affaire du citoyen, la souveraineté ne s'exerce plus en leur nom.

Pistes de solution

Dès lors, l’enjeu est bel et bien , si nous voulons vivre en République, dans un système démocratique et non sous un régime monarchique ou dictatorial, la recherche de dispositifs neufs permettant d’enrichir et d’élargir la participation politique.

Parmi les solutions qui peuvent être mises en place on peut envisager, tout en étant conscient des freins au changement qu'on rencontrera tant du côté du personnel politique que des citoyens, de :

Former le citoyen
- tout au long de sa scolarité , le former au débat contradictoire ET étayé, l'analyse systémique, éventuellement aux stratégies d'acteurs et l'informer sur son rôle, sa fonction, les différentes institutions qui gèrent le pays, comment y accéder,
- pour les adultes qui n'ont pas bénéficié de cette formation, organiser des cessions en prenant, comme pour la formation syndicale, sur le temps de travail.
Attention, il ne s'agit pas de former au militantisme partisan mais de doter le citoyen d'outils qui lui permettent de participer pleinement et en toute intelligence à la prise de décision.

Favoriser la participation citoyenne au débat politique 
- multiplier les lieux où le déploiement de la délibération démocratique élargie sera possible,
-encourager par des aménagement de temps civique pris sur le temps de travail, la participation du plus grand nombre à des discussions portant sur des choix collectifs
Favoriser la participation citoyenne au processus décision politique
  - créer un corps d'auditeurs des institutions nationales, tirés au sort parmi les citoyens inscrits sur les listes électorales et non dépositaires d'une mandat électif, d'une mission de service public.
- introduire à tous les échelons des institutions décisionnaires ( conseil municipaux, régionaux, commissions parlementaires, etc;) un quota ( 1/4? ) de citoyens tirés au sort chargés de valider ou d'invalider les décisions prises.
Limiter l'hégémonie d'une caste de politicien sur les mandats électifs et la haute administration
- réduire le renouvèlement des mandats électifs à un maximum de 1 renouvèlement du même mandat sur toute la durée d'une vie.
-exclure la possibilité de faire carrière en politique en interdisant d'exercer plus de 2 mandats électifs sur toute la durée d'une vie.
- exclure constitutionnellement le cumul des mandats électifs.
- revoir les modalité de nominations à des postes de contrôle de l'Etat ( cour des comptes, conseil constitutionnel, CSA, CNIL, etc.) en introduisant - imposer l'élection au suffrage universel direct pour tous les mandats électifs. Il est anormal que le Sénat, par exemple, soit constitué de membre cooptés par les élus municipaux et départementaux qui ne représentent, somme toute, que l'administration territoriale du pays!
- sanctionner durement ( inéligibilité à vie, engagements de leurs fortune personnelle) les élus qui ont agi à l'encontre de la loi ET de l'intérêt général.
Etc....

Bien entendu toutes ces solutions ne sont qu'une ébauche et on peu en trouver bien d'autres. Mais le but est bien de faire en sorte que le citoyen devienne bien plus que la machine à voter conditionnée par les médias, qu'il est actuellement.

Et vous, que pensez vous de tout ça?

Info citoyenne: Dans le cadre des débats pour la primaire socialiste, nous vous invitons à participer au sondage #themaPS12 . Il s'agit , pour vous, de notez votre intérêt pour ces grandes thématiques de programmes électoraux

Sources: Cliolamuse; La Toupie; Assemblée Nationale; Wikipédia; Vie Publique

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