jeudi 4 novembre 2010

Affaire des sondages : classement sans suite...

Dans la série “supervisator” a plein d'amis bien intentionnés, on a appris mardi 2 novembre que le parquet de Paris avait classé sans suite la plainte déposée par l'association « Anticor”, le 11 février à Paris pour «délit de favoritisme». Ce délit est passible de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

Cette plainte concernait la passation de contrats entre les services de la présidence de la république et la société  Publifact, le cabinet de l'ancien journaliste Patrick Buisson, qui a passé une convention le 1er juin 2007 avec la présidence de la République".

Comme le souligne la députée Delphine Batho, sur son blog :C'est en juillet 2009 que la Cour des Comptes avait mis à jour les irrégularités de cette passation de contrats, en soulignant qu’«aucune des possibilités offertes par le code des marchés publics pour respecter les règles de la mise en concurrence (…) n’ait été appliquée».

“Dans son rapport de contrôle des comptes et de la gestion des services de l’Elysée en 2008, la Cour épinglait par ailleurs une série de 15 études d’opinion publiées dans la presse alors qu’elles avaient été facturées également à l’Elysée par le cabinet de conseil de M. Buisson… l’Élysée a passé en juin 2007 une convention avec un cabinet d’études pour un coût de près de 1,5 million d’euros, montant « exorbitant au regard des règles de l’exécution de la dépense publique », et ce sans respecter les règles des marchés publics. 
Le cabinet Publifact de Monsieur Buisson  a facturé à l’Elysée, pour 392 288 euros, des sondages Opinion Way, dont les résultats étaient publiés par Le Figaro et LCI, la Cour des Comptes soulignant que « la comparaison des résultats publiés dans la presse et de ceux remis à la présidence ne faisait pas apparaître de différence ».
A propos de près de 15 autres études (dont les prestataires ne sont pas précisés), payées par l’Elysée, la Cour des Comptes souligne aussi « le document remis à la Présidence était identique à celui publié par des organes de presse ».
L’audition du Directeur de cabinet du Président de la République par la Commission des Finances a largement confirmé tous les soupçons d’irrégularités que nous avions formulés.”


Malgré cela, le parquet de Paris a décidé le classement sans suite de cette plainte. Et, à la lecture des motifs ubuesques avancés par le parquet de Paris pour justifier sa décision, on comprend à quel point “Supervisator” est aimé !
Je vous explique le côté ubuesque de cet amour, car on en est  presque à l'irresponsabilité par l'imposition des mains !

Au prétexte que le chef de l'État jouit constitutionnellement de l'irresponsabilité pénale, le parquet pense que cette irresponsabilité «doit s’étendre aux actes effectués au nom de la présidence de la République par ses collaborateurs». Selon le parquet, la signataire à l’Elysée de cette convention, l’ancienne directrice de cabinet de M. Sarkozy, Emmanuelle Mignon, «n’a juridiquement aucun pouvoir en propre, (elle) n’a pas de pouvoir personnel, même en cas de délégation de signature».

C'est quelque peu oublier que la personne qui a délégation de signature est salarié des services de l'Élysée et que c'est à ce titre que la délégation de signature pouvait lui être faite. Que je sache Emmanuelle Mignon n'était pas bénévole et touchait, chaque mois, un salaire en tant que directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy. En tant que salarié elle est donc, tout comme Jérôme Kerviel, entièrement responsable de ses actes...

Bien entendu, je ne suis pas la seule à être choquée par cette décision.
Dans un entretien avec le journal Marianne2, L'ancien magistrat Eric Halphen, président d'honneur d'Anticor, a réagi à ce classement sans suite :

“Ce classement sans suite du Parquet montre que les enquêtes qui concernent les proches du pouvoir ou les agissements du pouvoir ne pourront jamais aboutir ni même se déclencher dans notre pays actuellement. …Nous ne pouvons que regretter qu’une nouvelle fois une plainte portée contre un proche du pouvoir soit classée sans suite après un semblant d’enquête préliminaire… c’est le problème du statut du Parquet qui est posé, de la façon dont les enquêtes se déroulent. Nous sommes malheureusement un peu démunis dans l'état actuel des institutions pour déclencher des enquêtes gênantes…  il faudrait ouvrir des recours contre les classements sans suite du Parquet. Actuellement, le Parquet est tout puissant, et quand il ne déclenche pas d’enquête on ne peut rien faire.”


Du coup, j'espère vraiment que la chambre criminelle de la Cour de Cassation de Paris va décider, dans l'affaire Woerth-Bettencourt, de dépayser toute l'instruction ailleurs qu'à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. Car autrement, je crains fort que nous n'assistions d'ici quelques mois, de la part du parquet de Paris, à la même parodie de justice que celle qui vient de nous présenter dans l'affaire des sondages !


Sources : Le Point ; Delphine Batho ; Libération ; Marianne2

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