Le "Landerneau politique" des médias et celui d'Internet, a été secoué samedi par l'annonce d'un sondage effectué par l'institut Harris Interactive pour «le Parisien» -«Aujourd'hui en France».
Dans ce sondage, dont on ne connaît pas encore les détails méthodologiques et les questions posées, Marine Le Pen arriverait en tête des intentions de vote au premier tour de la présidentielle 2012, avec 23% des votes. Elle devancerait Nicolas Sarkozy et Martine Aubry, crédités tous deux de 21%. On peut être tenté de se rassurer en constatant que 77% des sondés ne la choisiraient pas. Mais mon propos n'est pas d'analyser la méthodologie de sondage ni de l'interpréter. Je reviendrai sur le sujet des sondages, plus longuement, d'ici quelques temps.
Ce qui me surprend dans les réactions que j'ai pu lire venant de commentateurs politiques, de personnalités politiques, de militants ou d'électeurs de gauche, c'est qu'ils semblent découvrir tout à coup, à l'occasion de ce sondage, la montée en puissance de Marine Le Pen et des idées qu'elle véhicule depuis qu'elle mène campagne au nom du Front National. Personnellement tout ceci ne m'étonne pas. Cela fait plus de 10 ans que j'observe, consternée, la montée de l'adhésion de mes compatriotes, de toutes classes sociales confondues, aux idées simples, voire même simplistes, énoncées par les icônes du Front National. Et depuis le temps que j'observe également le discours et l'action politique de l'UMP, des Centristes, et de certains leaders socialistes, le résultat de ce sondage s'explique parfaitement.
D'abord par le comportement du personnel politique de ces trois tendances de l'échiquier. Il n'est qu'à écouter leurs réactions, aujourd'hui même, pour comprendre qu'au lieu de s'intéresser à la manière de soigner les maux dont souffrent les Français, ils s'accusent mutuellement d'en être la cause, parfois même sans avoir établi au préalable un "diagnostic du mal". Ainsi, aujourd'hui, à droite comme à gauche, on considère Marine Le Pen comme une maladie propagée, au choix, par les socialistes et à leur laxisme vis-à-vis de l'immigration, ou par la stratégie de la peur que Nicolas Sarkozy a favorisée, provoquant ainsi la montée en puissance du Front National. En entendant cela, je pense à ce docteur Diafoirus qui, dans la pièce de Molière "le malade imaginaire ", masque son incompétence avec un discours en latin que personne ne peut comprendre.
Incompétence, car notre personnel politique confond la cause et l'effet, le symptôme et la maladie. Métaphoriquement, Marine Le Pen n'est que le symptôme final, le bubon , d'une Peste qui ronge la France depuis plus de 30 ans. Pour continuer la métaphore, comme tout "bubon" , Marine Le Pen et sa "doctrine" frontiste représentent l'hypertrophie excessivement développée d'une partie du corps social français qui réagit à la succession de "piqûres inflammatoires" que lui inflige le personnel politique. Toujours métaphoriquement, elle est le point de convergences "d"humeurs malignes" empoisonnées par un virus malsain.
Une Peste que nos "élites" intellectuelles et politiques propagent allègrement:
- En montrant ouvertement leur dégoût profond pour la France, pour les ouvriers et les salariés les moins aisés, pour ses institutions, pour son Service Public.
- En ne cachant plus leur mépris pour le débat contradictoire, pour les principes démocratiques, pour les plus faibles d'entre nous que, très souvent, ils considèrent comme incapable de penser, de réfléchir, d'espérer autre chose que la soupe insipide et révoltante que condescendent à leurs proposer des appareils politiques.
Une Peste qui contamine le pays tout entier;
- Parce que le personnel politique de droite et de gauche ignore, ou veut ignorer, la réalité protéiforme à laquelle les Français sont confrontés.
- Parce que les français en ont assez que des intellectuels cooptés et des politiciens incompétents leur disent, par médias interposés, ce qu'ils doivent penser . Ils en ont assez d'entendre ce petit monde énoncer pompeusement des diagnostics sans fin et surtout de ne jamais, au grand jamais, trouver, mettre en oeuvre des solutions pérennes et utiles à l'intérêt général et au bien-être de tous les citoyens.
Une Peste qui a envahi tout le corps social français écoeuré par les comportements de la classe politique - qui n'est désormais qu'une caste politique - plus préoccupée par le partage des postes d'élus que par la mission de mandataire de la volonté du peuple.
- Une caste politique (à laquelle Marine Le Pen appartient), qui ne propose que le néant, tant elle est incapable de débattre, de trouver des solutions concrètes, de se dévouer au bien public, tant elle est accaparée par les combats de clans.
- Une caste politique - essentiellement recrutée dans la haute et moyenne bourgeoisie - regroupée au sein de deux partis mastodontes, qui a totalement phagocyté la Démocratie et la représentativité, à tous les niveaux des institutions.
- Une caste politique qui empêche que des courants politiques, mêmes extrémistes, puissent faire entendre leurs voix au sein des instances représentatives de notre République. Et pourtant, il eût été plus intelligent de permettre à des partis politiques, non inféodés au Parti Socialiste et à l'UMP, de siéger au Parlement. Dans le cas du Front National, les débats dans les hémicycles auraient certainement permis de montrer la faiblesse et les failles des argumentaires qu'il avance pour défendre ses thèses. Certes, cela n'aurait pas permis de se servir du Front National et de Marine Le Pen comme épouvantail qui permet tous les cinq ans de rabattre le troupeau des électeurs vers le vote utile !
Une Peste qui a pu s'installer sournoisement:
- Parce que la droite, pas plus que la gauche, lorsqu'elle est au pouvoir ne pense à résoudre les problèmes qu'en en créant de nouveaux.
- Parce que le personnel politique méprise les électeurs, en faisant, une fois élue, comme si il ne devait son pouvoir qu'à ses seules qualités.
- Parce qu'en quelque sorte en méprisant ceux à qui il doit tout, le personnel politique ne fait qu'augmenter chaque jour davantage le nombre des mécontents et permet ainsi à la Peste de se répandre de plus en plus.
- Parce que les militants « de base » et les sympathisants des partis politiques sont mécontents d'être méprisé, jamais écouté, tout juste bon à servir de panneaux publicitaires pour des candidats parachutés par des états-majors qui préfèrent les réunions secrètes, la petite cuisine électorale entre gens du même monde.
- Parce que les électeurs sont mécontents de ces orgueilleux/ambitieux qui au lieu de répondre aux attentes, aux espérances des hommes, des femmes, des familles dont ils quémandent le bulletin de vote préfèrent faire allégeance à des lobbys, à des « chefs de clan » répétant inlassablement le modèle moyenâgeux des baronnies et renier dès qu'ils le peuvent les décisions référendaires du Peuple.
Et pourtant la Peste pourrait encore être évitée .
- Si l"inflammation du bubon" provient du constat désabusé des ouvriers, des employés, des cadres, des précaires, de tous ceux qui désormais n'ont plus le droit de marcher la tête haute.
- Si cette inflammation est entretenue par la rancune que provoque le constat le constat quotidien de l'irrespect des valeurs inscrites au fronton des édifices publics qu'affichent de nombreux élus de droite ou de gauche .
- Si le bubon a enflé petit à petit à cause de l'amertume que provoque la perte de l'idéal d'une société meilleure pour tous, à cause de l'impuissance que chacun ressent quand il voit que ni à droite ni à gauche, en 30 ans, personne n'a rien fait pour empêcher le pays de sombrer dans l'enfer des promesses jamais tenues, des déficits financiers jamais résorbés, des cadeaux sans contrepartie faits à ceux-là mêmes qui sont responsables de la mise au chômage de millions de personnes et enfin amertume en constatant que si le « petit peuple » est de plus en plus surveillées, contraint, pressuré, sanctionné, le « peuple d'en haut », lui, est de plus en plus privilégié, libre, impuni, même quand il commet les plus lourdes atteintes à la République.
En y regardant de près, le bubon qui nous éclate a la figure aujourd'hui, s'il est certes puant, ne saurait masquer l'incompétence, l'amateurisme social et politique de Marine Le Pen.
Il serait pour autant très facile de “juguler l'inflammation”, de “désenfler le bubon”, notamment en mettant en évidence que le discours "laïcard" de Marine Le Pen ne tient pas la route. Car depuis toujours elle, sa famille, les membres du Front National sont des catholiques convaincus. Il serait tout aussi facile de démontrer que son programme économique est risible, grotesque et qu'elle n'a aucune solution réaliste aux problèmes de chômage, de pouvoir d'achat, d'Education publique, de Culture. Il serait aisé de prouver qu'elle se moque de la sécurité tout autant que Nicolas Sarkozy et tant d'autres. Il serait enfantin de montrer qu'elle vend du rêve aux électeurs en prétendant que fermer les frontières et "bouter les étrangers hors de France" serait la solution à tous le problèmes qu'ils rencontrent. Ne serait-ce pas mettre en évidence que sur ce sujet elle ne vaut guère mieux que Nicolas Sarkozy? Aucune des solutions qu'elle a proposées, depuis que l'ensemble des médias lui ont ouvert leurs portes et leurs micros, n'est viable. Le Front National n'a jamais su gérer une simple petite mairie, peut-on imaginer un seul instant qu'il sera capable de gérer un pays?
Marine Le Pen est comme tous les politiciens actuels, elle s'appuie sur un pseudo diagnostic (tous nos problèmes viennent des étrangers qui vivent sur le territoire français) et prétend soigner tous les maux avec un seul médicament (expulser les étrangers). Mais elle ne dit rien sur ce qu'elle fera vis-à-vis des banquiers boursicoteurs. Elle ne dit rien au sujet des patrons du CAC 40 qui s'approprient de manière éhontée le patrimoine et le capital de la France, en s'exonérant de plus en plus des impôts, charges sociales et taxes sur la valeur ajoutée. Elle reste muette sur les questions du temps de travail, des contrats de travail, et de l'impunité des chefs d'entreprise qui ne respecte pas le code du travail. Elle se garde bien de promettre une baisse des prix du gasoil, du gaz, de l'électricité, des denrées alimentaires. Elle ne parle jamais d'une répartition plus juste des profits que génère le travail des ouvriers et des employés qu'elle prétend représenter. Elle se garde bien de nous parler du rôle qu'elle entend donner au Medef et aux lobbys économiques et financiers. Elle est carrément frappée de mutisme sur la façon dont elle entend combler le déficit des finances publiques et rembourser la dette de la France...
Oui, il serait facile d'arrêter la Peste...
À condition de le vouloir et ne pas se contenter, pour gagner la prochaine élection présidentielle, de s'appuyer sur la peur ou sur un appel au vote utile. Il serait facile d'arrêter la Peste en « mettant sur la table » les vrais sujets qui inquiètent réellement les Français : : l’emploi, la santé, l’éducation, le pouvoir d’achat.
Alors, il est serait souhaitable qu'au travers des sondages, plutôt que de les mettre en doute ou de se livrer à l'éternelle partie de ping-pong qui consiste à se renvoyer la faute, notre personnel politique prenne conscience du "bubon noir" qui infecte les Français, car ne l'oublions, le bubon est visible et il vaut mieux. Lorsqu'un bubon n'est que peu apparent c'est que la Peste a pris une forme plus grave et très contagieuse.
Sources: Le Parisien ;Philippe Sage ; Futura Sciences
Bah, lorsque Melenchon a fait un débat contre Marine Le Pen, c'est exactement ce qu'il a fait... dire qu'elle n'avait aucune solution, que son parti était toujours à droite, qu'en défendant la Laïcité elle défendait surtout son pré carré.
RépondreSupprimerOn a dit que débattre avec elle, c'était "faire le jeu du FN"