M'étant prêtée à l'exercice d'explication de vote en ce qui concerne François Hollande, je me propose, en toute équité, de faire le même exercice concernant Martine Aubry:
1) Martine Aubry a utilisé des méthodes peu glorieuses pour mettre de l'ordre au sein du parti socialiste :
- La suppression des adhérents à 20 € a certes permis au parti socialiste de rester dans son entre soi. Mais cela a bouté hors du PS tous les adhérents que la candidature de Ségolène Royal avait ralliés au parti socialiste.
- Dans la région du Languedoc-Roussillon notoirement indépendante et certainement pas “pro Aubry”, Martine Aubry, au mépris de la décision de justice qui avait lavé Georges Frêche de toutes accusations de propos racistes, n'a pas hésité à reprendre cette accusation, à la faire monter en mayonnaise grâce à ses amis de la presse, pour aboutir à la mise sous tutelle de ses principaux opposants de la région Languedoc Roussillon.
2) Martine Aubry a un sens de l'honneur très fragile. La façon dont elle a traité la forte présomption de tricherie lors du scrutin de l'élection du premier secrétaire du parti socialiste à Reims en est un parfait exemple. Il faut se souvenir que de très forts doutes ont pesé sur la validité des résultats des votes dès le soir même dépouillement de ces votes. À l'issue de tractations totalement opaques, Martine Aubry a été désignée vainqueur du scrutin. Elle a accepté une nomination entachée d’un énorme doute de tricherie. En tant que premier secrétaire du parti socialiste, si j'avais vraiment eu pour objectif de le rassembler , j'aurais immédiatement redemandé un la réunion d'un congrès afin qu'un nouveau vote encadré de façon à ce qu'aucune tricherie ne puisse avoir lieu. Bien loin d'agir de la sorte, Martine Aubry a qui le sens de l’honneur fait visiblement défaut, a balayé d'un revers de main toutes les objections et s'est dépêché de mettre à l'index (cf. le premier paragraphe), au niveau national et au niveau local, tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, pouvait remettre en question sa légitimité à diriger le parti socialiste.
3) Martine Aubry a un sens de la justice et à géométrie variable, elle ne cesse de répéter qu'avec elle la justice sera défendue, respectée. Mais à bien y regarder on ne peut que constater -au travers de l'affaire Georges Frêche et de l'affaire Guerini- qu’elle ne respecte les décisions de justice et la présomption d'innocence que lorsque cela l'arrange.
Le fait même qu'elle accepte que Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo soient omniprésents dans sa campagne vient corroborer cette mauvaise impression. Delanoë et Hidalgo ne sont-ils pas à l'origine de la décision, dans l'affaire des emplois fictifs impliquant Jacques Chirac, de prioriser le remboursement des sommes dues à la mairie de Paris permettant à Jacques Chirac de sortir blanchi de cette sale affaire?
4) Martine Aubry se prétend pugnace mais les faits disent le contraire. J'ai noté qu'au cours du débat elle a voulu attaquer François Hollande sur son évaluation de l'augmentation des postes dans la fonction publique. Hélas pour elle, elle a été incapable d'aller jusqu'au bout de sa démonstration et s'est pitoyablement emmêler les pinceaux, aboutissant à un magistral flop. C'est très dommageable, car dans l'hypothèse où elle serait la candidate du parti socialiste qui devra affronter Nicolas Sarkozy, ce comportement approximatif et velléitaire va permettre à Nicolas Sarkozy qui lui ne lâche jamais une attaque et la mène jusqu'au bout.
5) Martine Aubry gouverne de façon laxiste et opportuniste : En matière de prise et d’exercice du pouvoir, Martine Aubry n'a rien à envier à Nicolas Sarkozy car, outre le fait de mettre sous tutelle les fédérations qui lui déplaisent, elle a su placer discrètement dans les régions et les départements des personnes qui lui sont fidèles et qui désormais verrouillent bon nombre de sections.
6) Martine Aubry ne sait pas mettre en oeuvre les décisions collectives. Prenons l'exemple du cumul des mandats qui a été interdits par décision du congrès du parti socialiste et que Martine Aubry est totalement incapable de faire appliquer depuis que le cumul des mandats est interdit au parti socialiste
7) Martine Aubry n’est pas une rassembleuse. À la lecture de ce qui précède on voit très clairement que Martine Aubry sait parfaitement utiliser une organisation pour rassembler en excluant tous ceux qui ne partagent pas son avis, mais cela ne prouve en rien qu'elle saura rassembler au-delà du parti socialiste. L'autoritarisme, le sectarisme, dont elle et ses proches ont fait preuve au cours de ces deux dernières années, sera nettement insuffisant pour rassembler l'ensemble des parties de gauche et surtout de leurs électeurs, avec lesquels, malheureusement pour elle, elle ne pourra jouer de l'exclusion qui semble être son outil favori.
8 ) Martine Aubry ne rassemble pas sur des idées, mais sur des ambitions. Elle se vante de procéder au rassemblement des partis de gauche sans faire de concessions pour des postes mais uniquement sur la proximité et le partage d'idées. Or, tout le monde sait que Martine Aubry négocie en priorité avec les écologistes d'EELV. Si l'on doit reconnaître une qualité à Martine Aubry, c'est de savoir reconnaître ceux qui sont assez flous sur leurs convictions affichées pour céder à des promesses de postes lucratives. Regardez comme le parti socialiste qu'elle dirige a su neutraliser Jean Vincent Placé en lui offrant, au détriment d'un candidat socialiste, la place de sénateurs qu'il convoitait depuis toujours.
9) Martine Aubry est une technocrate et cela est apparu très nettement lors du débat d'hier. Pas plus que François Hollande, elle n'est capable de déployer ses projets et d'en faire une pédagogie en utilisant des mots simples compréhensibles par le moins cultivé des électeurs. Il y a eu, lors de ce débat, de grandes envolées technocratiques dignes de réunions d'experts à Bercy voir même du conseil de l'Europe. Mais hélas, des experts complètement déconnecté de la réalité quotidienne des Français, des experts qui considèrent que les citoyens français sont des administrés et non des personnes qui ont le pouvoir de décider, de réfléchir, de choisir en toute intelligence de leurs propres intérêts et non uniquement de ceux d'un État fantomatique.
10) Martine Aubry est dans le paraître trompeur. Probablement pour faire croire qu'elle partageait les idées de Ségolène Royal et attirer ainsi les électeurs de cette dernière, à très fréquemment utilisé des termes comme” juste”, “solution”, “participation”, “régulation”, etc. Mais, que ce soit sur son site ou au cours de ses interventions dans les médias, elle est incapable d'aller plus loin que la citation. Elle est dans la situation de ces personnes qui ont acheté un meuble en kit et qui ne trouvent pas la notice de montage. Et pour cause, ça n'est pas tout de copier une idée, encore faut-il avoir parfaitement compris ce qui la sous-tend en matière de valeurs, et le plan d'action qu'il va falloir mettre en place pour que cette idée devienne une réelle unité.
11) Martine Aubry ne répond pas aux questions qu'on lui pose. Pas plus que François Hollande d'ailleurs, n'a répondu clairement aux quatre questions d'Arnaud Montebourg. Cela en dit long sur le mépris que les deux finalistes de la primaire citoyenne peuvent avoir pour leurs camarades. Il est probable que Martine Aubry, comme lors du congrès de Reims, préfère, pour gagner la finale de la primaire, s'appuyer sur son réseau d'élus et sur les électeurs écologistes pour gagner dimanche, avec une avance de 102 voix.
12) Martine Aubry a la prétention d'être la première femme présidente de la république française. Elle se sert d'ailleurs de cet argument pour essayer d'attirer les électrices, ce qui me paraît un argument on ne peut plus douteux dans la mesure où je ne pense pas sincèrement qu’être une femme ou un homme soit une qualité suffisante pour gouverner un pays. Du reste, mettre une femme incompétente ou un homme incompétent à la tête de l'État serait tout autant une grave erreur.
13) Martine Aubry se gargarise beaucoup des valeurs de gauche, mais je cherche en vain et depuis plusieurs mois une définition nette, précise et détaillée de sa part de ses fameuses valeurs de gauche. Ce n'est certainement pas au travers des exemples qui précèdent que je vais pouvoir me faire une idée des valeurs de gauche de Martine Aubry
14) Martine Aubry a une lourde responsabilité dans la dégradation du service public hospitalier. Elle a exigé la mise en place des 35 heures dans ce cette heure de façon totalement irrationnelle. Obligation a été faite aux hôpitaux de mettre en place les 35 heures de façon unifiée dans tous les secteurs d'activité des hôpitaux sans prendre en compte les sous effectifs déjà existants au moment de la mise en place et surtout, ce qui est plus grave, les restrictions budgétaires qui ont empêché les gestionnaires des hôpitaux d'embaucher le personnel nécessaire pour compenser la réduction du temps de travail. De fait, cela a engendré dans le secteur hospitalier une très grave dégradation des conditions de soins et une importante dégradation des conditions de travail des salariés du secteur public hospitalier dont il ne se remet absolument pas à l'heure actuelle. Et quand on pense que dans le projet actuel du PS elle a tenu a modifier seule certains passages du projet Santé, ça fait froid dans le dos!
15) Martine Aubry ne s'est toujours pas expliqué sur les fondements et les raisons du pacte de Marrakech qu'elle a signé avec Dominique Strauss-Kahn. Or, on ne me fera pas croire que ce pacte a été signé par pure amitié mais bien parce que le Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn partagent une vision de la place dominante et dominatrice de l'économie et de ses émanations bancaires, boursières, sur l'humain et sur les Etats. J'ai donc tendance à penser que Martine Aubry, qui nous fait croire qu'elle est proche d'Arnaud Montebourg et de Ségolène Royal nous trompe consciemment.
Autant de raisons qui, de mon point de vue, me font dire que Martine Aubry n'est certainement pas une candidate de changement et surtout pas la candidate qu'il faut désigner dimanche pour faire face à Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle.
J'en entends déjà me dire qu'il y a quelque jours, je critiquais abondamment François Hollande. Certains pourraient me demander si, parce que Ségolène Royal a pris position pour ce dernier, je vais ravaler mes critiques et voter dimanche pour ce dernier.
Il n'en est rien. Je continue à privilégier les valeurs, les idées de gauche, le programme et je maintiens mes critiques sur François Hollande et sur Martine Aubry.
Si je vais voter dimanche, ce sera pour déposer un bulletin blanc dans l'urne. Bulletin blanc qui sera comptabilisé dans les résultats du vote de dimanche et qui sera un avertissement clair au finaliste qu'il ne peut pas faire et n'importe quoi.
Source: Le NouvelObs
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