Quelle que soit l'aspect spectaculaire que les médias ont voulu donner à cette parenthèse politique, la primaire citoyenne organisée par le parti socialiste, au-delà du résultat que nous connaitrons ce soir, n'est en aucun cas une nouveauté dans la politique, un changement dans la façon de faire de la politique mais, tout au plus, une modification infime d'une tradition des partis politiques y consistait à faire désigner ces candidats aux élections par une commission interne. Alors certes, on se doit de saluer ce changement, mais on se doit aussi d'en souligner les limites, notamment l'absence de citoyens lambda au cours des débats, l'absence de neutralité des autres partis politiques dans le déroulement du processus, etc.
Si on se réfère au projet initial d'organisation de la primaire, les débats avaient pour but de permettre une interaction entre les citoyens et les candidats, d'échanger des suggestions sur le programme de chacun, d'enrichir ainsi le programme du parti socialiste.
Or, le grand absent de tous les débats télévisés aura été le citoyen lambda. il n'a été en aucun cas question des améliorations qu'il souhaite apporter au programme socialiste, des suggestions qu'il a affaire pour améliorer ce programme. Vous conviendrez que pour une primaire qui se qualifiait de citoyenne, la mise à l'écart du citoyen et de sa parole est une grave erreur.
Un autre grand absent de cette primaire aura été le débat contradictoire entre les candidats.
Mis à part la dernière partie du second débat qui a donné lieu à un véritable débat contradictoire entre les candidats, l'ensemble des quatre débats télévisés n'aura été qu'une très longue interrogation orale des différents candidats par le système médiatique.
En effet, à aucun moment des citoyens ordinaires n'ont été autorisé à questionner les candidats. Que je sache, les journalistes qui ont été autorisés à mener les entretiens, ne sont en aucun cas les porte-parole des citoyens. Le fait même que le parti socialiste ait opté, alors que nous disposons actuellement de moyens technologiques qui permettaient de faire autrement, pour ce type de débat, en dit long sur la crainte qu'il avait d'être confronté à des questions de fond auquel les candidats auraient eu à répondre.
Ce faisant, cela a vidé le débat de toute interaction avec les citoyens. Les candidats se sont cantonnés à énoncer leurs promesses, leurs missions des choses et des problèmes, bref, à faire le service minimum qui sont habitués à faire le recul quel que soit le parti politique, pour être élus.
De la part d'un parti qui se prétend parti du changement, ce conformisme, ce traditionalisme politique et de très mauvais augure pour la suite. Vous comprendrez que reléguer volontairement le citoyen au rôle de spectateurs des débats, c'est vouloir le maintenir éloigné de la question politique, du pouvoir et de son exercice. Or le véritable changement , le seul qui permettra de reléguer l'économique au rang de moyen qu'il n'aurait jamais dû quitter, de redonner à l'Etat sa place essentielle dans le processus décisionnel, passe obligatoirement par la reprise de pouvoir du champ politique par les citoyens.
La primaire ayant pour but officiel de donner aux électeurs de gauche la possibilité de désigner le candidat qui représentera le parti socialiste lors de la présidentielle de 2012, afin que ce ne soit pas un comité Théodule qui, dans le plus grand secret des jeux d'appareils, désigne ce dernier, force est de constater, en observant le ralliement qui se sont multipliés pendant l'entre deux tours, en supputant les négociations pour des postes qui les ont sous-tendu, que cet objectif est quelque peu dénaturé.
Sommes-nous réellement sûrs que nous allons désigner un candidat finaliste uniquement sur son programme ou parce que tel ou tel ce sera rallié à lui ? Certes, on sait désormais (si on ne le savait pas déjà) qui soutient qui au sein du PS, qui le fait par conviction politique, qui le fait intérêts personnels, qui le fait pour être fidèle à ses engagements de campagne.
Et en cela, certains professionnels de l'OPA écologiste l'on très bien compris, quitte à mettre leurs militants, d'ici, quelque mois, dans une position difficile.
Pour mémoire, souvenons-nous que le parti écologique EELV n'a pas organisés de primaire ouverte à l'ensemble des électeurs de gauche pour désigner son candidat à l'élection présidentielle de 2012. Se faisant, le message était clair, EELV n'entendait pas laisser quelques partis et électeurs que ce soit autre que ses militants et ses dirigeants s'ingéraient dans cette élection. Cela peut se concevoir parfaitement mais, ceux qui se conçoit nettement moins facilement c'est que ce parti politique vienne aujourd'hui prendre position pour un des deux finalistes et s'ingérer ainsi dans un processus auquel il a lui-même refusé de participer. En gros, certains leaders de l'EELV sont en train de nous dire : "je peux faire aux autres ce que je ne voulais pas qu'on me fasse" .
Reconnaissez que c'est une façon de faire de la politique extrêmement étrange qui révèle un manque de respect pour les autres très surprenants de la part de ceux qui réclament à cor et à cri le respect de l'environnement.
D'un autre côté, que pouvait-on attendre de personnes qui, au moment du débat sur la taxe carbone, ont montré de façon évidente leur mépris pour les classes les plus défavorisées de notre pays. Que pouvait-on attendre de personnes qui, on fait une OPA sur l'écologie et prétendent désormais être le seul à pouvoir en parler faute d'en faire.
À ce titre, remercions les socialistes d'avoir organisé cette primaire car elle aura permis de constater que malgré ce qu'ils prétendent, certains écologistes sont des apparatchiks du milieu politique qui, au même titre que leurs confrères de l'UMP, du FN, du modem, du parti socialiste, se sont saisis d'un concept, s'en sont collées l'étiquette, dans le seul et unique but de faire carrière en politique.Je plains sincèrement les électeurs écologistes d'être représentée par de tels individus. Et je leur souhaite bon courage au moment de la campagne de 2012, pour expliquer qu'il faut voter Eva Joly après avoir dit, aujourd'hui, qu'il faut voter Aubry!
Reste a saluer l'unique avantage stratégique de cette primaire: avoir cloué le bec à la majorité présidentielle.
Les réactions de la "faction agissante" de la majorité présidentielle face à cette primaire sont quasiment jouissive et révélatrice de son désarroi face à la rupture de sa stratégie de campagne pour 2012. Jouissive et quelque peut révoltante quand on constate que nos ministre sont nettement plus mobilisés par la primaire citoyenne que par le traitement du chômage, de la dette publique et la dégradation de notre système de sante.
Faut-il leur rappeler qu'il y a actuellement en France on doit frôler les 6 millions de chômeurs ?
Faut-il leur rappeler que la Dette Publique Française , au 1er trimestre 2011, atteignait le montant de 1 650 000 000 000 € ?
Faut-il leur rappeler que 29% des Français ont dû renoncer à se soigner ou reporter des soins faute de moyens ces derniers mois, 11% il y a 2 ans ?
Dans la mesure où un des piliers de son action politique actuelle et à venir est constitué par son omniprésence médiatique, la majorité présidentielle voit d'un très mauvais œil la mise en lumière d'une gauche qui veut lui prendre la place dorée et lucrative qu'elle considère comme la sienne ad vitam aeternam.
Et pour cause!
Outre qu'elle montre que d'autres solutions aux problèmes que rencontre le pays étaient possibles, alors que l'UMP affirmait que le PS n'avait aucun projet, aucun programme, la campagne médiatique inhérente à la primaire fait de l'ombre au candidat perpétuel Nicolas Sarkozy, en reléguant ses gesticulations internationales à l'arrière-plan des préoccupations des Français. Elle vient casser la tentative de revalorisation d' l'image internationale du candidat Nicolas Sarkozy à l'heure ou son bilan d'actions est une catastrophe et ou sa popularité est au plus bas.
Qui plus est, bien qu'imparfaite comme souligné plus haut, cette primaire citoyenne met en évidence une grave carence démocratique et républicaine de la droite français. Se sachant parfaitement incapable, parce que totalement divisée -pour ne pas dire émiettée - de mettre en place une primaire pour désigner le candidat qui représenterait la droite, le seul moyen de se remettre en scène - et de masquer cette carence - qu'a trouvé l'UMP va être de casser du gauchiste (traduisez du socialiste).
Réaction très dangereuse car les millions de téléspectateurs qui ont suivi les débats télévisés ont parfaitement pu se rendre compte par eux même qui si il y avait "gauchisme" ce n'était certainement pas un gauchisme "bolchévique", mais un gauchisme très "centriste"!
Au demeurant, tout autant que l'absence des citoyens dans la réflexion et dans la construction du programme socialiste, l'irresponsabilité de certains politiciens EELV vis à vis de leur militants et de la candidate de leur parti , et le désarroi évident des membres de la majorité présidentielle sont révélatrice d'une conception de la pratique démocratique totalement mortifère.
Au final, alors que la primaire citoyenne aurait pu être un moment de renouvèlement des pratiques politiques, elle ne fait que les conforter :
Le citoyen est relégué à la seule chose qu'on attend de lui : le vote
La participation des citoyens se réduit au NOMBRE de votant
Elle aurait pu être élargie à leur apport en suggestion et en idée ainsi qu'a leur prise en considération dans l'élaboration du programme. Il n'en a rien été.
Ce sont toujours les professionnels de la politique ( élus et journalistes) qui prennent la parole
La question politique n'est abordée que dans le cadre d'un dialogue entre les journalistes et les représentants de la classe politique
La conséquence désastreuse de cette façon de faire est que l'électeur est enjoint de prendre parti pour une personne et non pour des idées, un projet, un programme. Il est réduit à une "machine à voter" .
L'organisation d'une primaire ne supprime en aucun cas les négociations d'appareils
Alors certes, j'espère que pour certains de mes concitoyens, cette parenthèse de la primaire citoyenne, aura été l'occasion de réfléchir sur leurs attentes en matière de pratiques démocratiques et sur leurs attentes vis-à-vis du personnel politique.
J'espère qu'elle aura été l'occasion de renforcer leur volonté de ne plus être spectateur mais acteurs de la politique.
Mais, je crains fort qu'au lieu de cela, elle ait produit, face au pitoyable spectacle de l'entre deux tours que nous ont donné le PS, le FN, l'UMP, EELV, un renforcement de la tendance à l'abstention.
Sources: Variae; Sarkofrance; Chomiste; La Tribune; Le Figaro; Intox2007
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