lundi 13 septembre 2010

Les sarkozistes et les contre-pouvoir

Parlement, Justice, Médias, autant de contre-pouvoir qui, si ils jouent bien leur rôle, ont été mis en place très judicieusement par des générations d'hommes et de femmes politiques, de toutes tendances confondues, afin qu'en aucun cas la République Française et le système démocratique ne puissent tomber entre les mains d'un dictateur.
Curieusement, s'il y a une seule chose notable dans le comportement de Nicolas Sarkozy et du gouvernement, c'est leur constance, leur opiniâtreté, à détruire tout contre-pouvoir, toute opposition à l'exécutif, par tous les moyens possibles, et en particulier:
- Le passage en force :
Disposant au Parlement,depuis 2007, d'une majorité large mais parfois récalcitrante, ils se fichent totalement de ce que peut bien dire l'opposition parlementaire et même les manifestants (au pouvoir de prétendre que lorsque il y avait une grève, désormais on ne la voyait plus).
Toutes leur énergie est concentrée sur le maintien de cette majorité parlementaire, de sa discipline de vote. Pas si difficile que ça finalement quand on sait que c'est principalement grâce au financement de l'UMP que tous les parlementaires de la majorité présidentielle sont élus et pourront l'être. Seulement, il semble nécessaire parfois de le leur rappeler.
Il est arrivé au cours de ces trois dernières années, que certains parlementaires de la majorité présidentielle tentent d'enlever leurs godillots on s'ennuie tellement lors des pseudo débats s'ils se trompent de boutons de vote. La machine de discipline UMP se met alors en branle, n'hésitant pas à faire annuler un vote parlementaire défavorable à sa politique, sous des prétextes plus ou moins farfelus ou en exerçant probablement une forte pression sur les députés et sénateurs récalcitrants, dans les « coulisses des palais », afin d'obtenir le vote désiré. Le dernier exemple en date, illustrant cette stratégie ayant eut lieu au Sénat, pour le vote de la loi LOPSI2.

C'est sans nul doute dans le domaine parlementaire que le passage en force a le mieux réussi. Et pour cause, il suffit d'avoir une majorité au parlement pour remporter la décision.
- La manipulation d'opinion :
Disposant donc d'une large majorité parlementaire, de la légitimité qu'apportait son élection au président de la république, le gouvernement ne pouvait, malgré tout, se satisfaire de si peu. Il lui faut aussi, en permanence, faire croire que l'opinion publique le soutient. Il a donc utilisé deux outils mis à sa disposition: les sondages, dont le financement public représente une bonne part du budget de l'Élysée, et le recours à des informations tronquées que les porte-parole du gouvernement, de l'Élysée, de l'UMP, n'hésiteront pas à relayer avec aplomb faute d'intelligence.
Il ne se passe pas une semaine, voire même, à certains moments politiques, une journée, sans que nous soyons inondés par des sondages. Sondages que, jusqu'à aujourd'hui, très peu de citoyens français remettaient en question. mais dont désormais les résultats sont de plus en plus remis en question tant ils divergent de nos constats quotidiens.
Quant au porte-parole divers et variés, ils maîtrisent comme nul autre que l'art du perroquet. Persuadés qu'ils seront que plus ils seront nombreux à répéter les mêmes éléments de langage et plus cela aura un effet persuasif sur l'opinion.
On constate aujourd'hui que les techniques de manipulation d'opinion utilisée par le gouvernement s'essoufflent et sont de moins en moins efficaces.
***
Mais avant d'en arriver là il a fallu « déblayer le terrain » et affaiblir considérablement le parlement, la justice, les médias, autant de contre-pouvoirs institutionnels que la Constitution oblige le président de la république, et le gouvernement, à respecter. Passage en force et manipulation d'opinion étant largement inefficace et illégales pour atteindre l'objectif, la majorité présidentielle a usé de méthode plus orthodoxes.
1- le Parlement :
A peine arrivée au pouvoir, l'équipe gouvernementale ( Président de la République, gouvernement et députés de la majorité) s'est empressée de faire voter, dans l'euphorie du moment, avec l'apport des votes de député de l’opposition, des modifications portant sur la Constitution et les règlements des deux assemblées.
Cette modification de la constitution, qui ressemble fort à une taylorisation du travail parlementaire, si elle a été plus ou moins acceptée par les parlementaires, a eu pour conséquence de limiter considérablement la forme des débats, ainsi que leurs contenus, au sein des assemblées. Dépossédant ainsi chaque parlementaire de son indépendance, tant sur le choix des contenus des lois que du timing des débats. C'est un peu comme si au travers de ces modifications le gouvernement avait dépossédé chaque citoyen, dont les parlementaires sont les représentants, de son pouvoir de décision de son pouvoir d'expression et de sa liberté de parole. De cela, les citoyens français ne se sont pas rendu compte. Et on s'est bien caché de le leur expliquer.
Le fait est que, quand on observe attentivement les débats parlementaires depuis cette modification des règlements, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de débat, pas d'échange d'opinions, et que la plupart des lois sont décidés en amont des séances plénières, par un petit groupe de députés réunis en commission.
Partant de la les séances plénières ne semble plus être destiné qu'à présenter le spectacle de la démocratie devant les caméras de Public Sénat et ne sont en fait qu'une mascarade de vote décisionnel où il semble que les parlementaires ne sont là que pour entériner les décisions prises ailleurs. On s'étonnera dès lors de l'absentéisme de certains députés et sénateurs !
Vider le parlement de sa substance était certes, dans le projet UMP, ce qu'il y avait de plus facile étant donné que les décisions parlementaires se prennent à la majorité des voix exprimées.
Le passage en force n'était pas nécessaire mais le passage en douceur mais en vitesse, sans laisser aux un et aux autres la possibilité de bien analyser les tenants et les aboutissants de leur choix s'imposait.
2 -- la justice :
Pour démanteler le contre-pouvoirs que représente la justice, la stratégie a été totalement différente, plus pernicieuse. Mais elle a démontré il y a quelques années, son efficacité lorsqu'il s'est agi de privatiser les grandes entreprises d'État.
Le premier acte de cette stratégie consiste à étouffer , en ôtant les moyens humains et financiers, l'institution qu'on veut détruire. Il a donc fallu commencer à réduire les effectifs des tribunaux, a diminué les budgets sous prétexte d'économie des finances publiques.
Le second acte consiste à modifier les statuts juridiques, les règles et règlements intérieurs afin de créer du désordre et de inefficacité. En l'occurrence, pour ce qui concerne l'institution judiciaire, la réforme de la justice est en cours depuis 2007.
Voyant une réforme massive quasiment impossible, tant elle a rencontré d'opposition auprès des magistrats du siège, auprès des justiciables, auprès des avocats, et auprès de l'opinion, la déconstruction se fait petit à petit, sournoisement, mais sûrement. On est quasiment dans du pointillisme!
Une touche d'indignation de syndicats de polices acquis à la majorité présidentielle.
Une touche de fait divers montée en épingle par les médias et les ministres de tutelle,
Une touche d'expérimentation, comme dans l'affaire Woerth- Bettencourt, de la suppression du juge d'instruction et de son remplacement par un procureur de la république.
Etc.
Le troisième acte va bientôt arriver avec une salve de déclarations qui, chiffres à l'appui, n'en doutons pas, montreront que la justice ne fonctionne plus où qu'elles fonctionnent mal et qu'une réforme est absolument nécessaire en urgence.
Comme pour France Telecom, la Poste, EDF, et d'autres de nos fleurons, qui pourra dès lors s'opposer à une réforme?
Dernière difficulté, avant d'avoir les pleins pouvoir: les médias.
3 -- les médias
Fort, en 2007, d'un cercle d'amis propriétaires, entre autres, des principaux médias français, Nicolas Sarkozy et ses soutiens et amis, ne s'attendait certainement pas à être obligé, en 2010, de s'attaquer à ce contre-pouvoir la.
Certainement persuadé que les propriétaires de journaux parviendraient à obtenir des journalistes la même discipline, la même obéissance- soumission que celle que les propriétaires d'entreprises obtiennent de leurs salariés, le « candidat perpétuel » Nicolas Sarkozy découvre depuis quelques mois qu'un journal ne se manage pas comme une multinationale. Que ces salariés ont des droits qui vont bien au-delà du code du travail. Et qu'ils entendent bien que ces droits soient respectés. Mauvaise surprise pour le pouvoir en place car, force est de constater que pendant la campagne présidentielle de 1007 quasiment tous les médias français ont largement soutenu le candidat Nicolas Sarkozy.
Il n'avait donc aucune raison de penser qu'il y avait urgence à détruire des médias qui lui semblaient acquis. D'autant moins, il faut en convenir, que pendant deux années de règne, ce soutien s'est maintenu.
Seulement voilà, si les journalistes ont certainement apprécié le gagnant Sarkozy, en deux ans ils ont aussi découvert les méthodes de soumission qu'il entendait faire appliquer dans les journaux. Ils ont aussi découvert, au travers des réactions de la majorité présidentielle et du président lui-même, le peu de considération que ce dernier avait pour eux et pour leurs métiers. Depuis le mois de juin, ils n'apprécient certainement pas les attaques virulentes dont ils sont la cible dans l'exercice de leur profession.
Mais autant le gouvernement, l'exécutif, peut agir efficacement pour mettre au pas le Parlement ou pour démanteler l'administration de la justice, autant il n'a aucuns moyens légaux de supprimer les médias.
Le seul moyen dont il dispose va être la manipulation d'opinion. Ainsi, on dira hier qu'aucune enquête n'a été menée pour connaître les sources du journal Le Monde concernant l'affaire Woerth-Bettencourt, alors qu'un jour avant, le directeur générale de la police nationale dit, dans un communiqué, qu'une telle enquête a bien été menée.
Alors certes, l'opinion se réveille, les médias se révoltent, la Justice se cabre, les parlementaires de la majorité présidentielle brisent petit à petit la pseudo unité vendue par UMP.
Mais il aura fallu trois ans pour que tout se petit monde, qui constitue les seuls contre-pouvoirs institutionnels au pouvoir exécutif, réalise ce qu'il aurait dû réaliser dès le vote du traité de Lisbonne. Car à ce moment-là a été commis le plus gros crime contre la démocratie française : le gouvernement a bafoué une décision référendaire prise par les citoyens.
Sources: Le Monde

1 commentaire:

  1. Qui dit pouvoir, suppose cadeaux : http://www.lepost.fr/article/2010/09/14/2221694_cadeaux-la-retraite.html

    N'y a-t-il pas un loup ?

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