Hier soir, probablement en manque d'activité, puisqu'ils sont totalement dépourvus de pouvoirs pour régler les problèmes auxquels les citoyens français sont confrontés, nos vaillants députés, de droite comme de gauche, ont voté à l'Assemblée Nationale, une résolution réaffirmant "la position abolitionniste" de la France en matière de prostitution.
Outre le fait qu'une telle résolution de principe est très loin de résoudre les problèmes que rencontrent les prostituées en matière de santé, de sécurité, de conditions de travail, il m'a semblé que les justifications données par certains de nos députés fleuraient bon la "morale a 10 sous" si cher à notre bonne vieille bourgeoisie française, pétrie d'une volonté d'imposer au petit peuple une morale qu'elle est bien en peine de mettre elle-même en pratique.
Parmi ces propos qui se voulaient vertueux, j'attribuerais le palmarès de l'hypocrisie à Élisabeth Badinter qui, de façon pour le moins maladroite, a tenté de justifier son positionnement pour l'abolition et la pénalisation de la prostitution.
C'est particulièrement la première partie de sa phrase qui m'a énormément interpelée car, par son côté démagogique, elle montre que celle qui la prononce n'est pas choquée par la prostitution elle-même mais par ce qu'elle rapporte à la prostituée.
Pensez donc quelle honte de gagner en trois jours ce qu'une caissière gagne en un mois à la caisse d'un supermarché !
Scandaleux cette argent facile, non?
Diantre ! Madame Badinter est choquée que quelqu'un puisse gagner en une journée ce qu'une caissière gagne en un mois de travail ?
Il ne me semble pas pourtant que Madame Badinter ait exprimée son indignation devant l'augmentation de 16,7 % des dividendes que lui a rapportés sa situation de principale actionnaire avec 10 47 % de la société Publicis , pour l'exercice de l'année 2010.
La même année, la caissière « de référence » a tout au plus vu son salaire augmenter seulement de 0,01 %.... Quand ce n'est pas une diminution de son salaire qui lui a été imposée justement parce que des actionnaires, comme Madame Badinter, désirait que leurs dividendes augmentent.
Et l'hypocrisie va encore plus loin car Madame Badinter, sans apparemment dénier le droit de la prostituée, mais tout en étant choqué que ça lui rapporte autant, se réfugie derrière l'éternelle fausse compassion en ajoutant que la prostituée a le droit de se prostituer du moment qu'elle n'est pas contrainte de le faire... Ouf! les prostituées sont soulagées Elisabeth Badinter les protèges!
Remarquez, Élisabeth Badinter, en ce qui concerne la situation des femmes souffre toujours, comme le souligne Arrêt sur Images , d’un angle mort chaque fois qu'il s'agit de Publicis dont elle préside le conseil de surveillance :
« Ce double statut a toujours généré, dans la production philosophique badinterienne, un point aveugle : la violence de l'injonction publicitaire faite aux femmes. »
Mais elle n’est pas la seule à ne pas vouloir tout voir:
Ce que n'ont pas vu Madame Badinter et ses amis soucieux de remettre un peu de Morale à l'ordre du jour, c'est que leur position de principe qu'ils entendent transformer en loi, va probablement avoir des effets dramatiques, tant financiers que sociaux ou psychologiques, pour bon nombre de personnes.
Mais de cela, nos “bien heureux nantis”, assistés tout au long de leur carrière politique par les finances publiques, ne sauraient se préoccuper !
Alors certes, qu'on fasse des lois pour protéger les prostituées, notamment celles qui font l'objet d'une exploitation sordide et violente, que le Parlement donne à l'administration de l'État les moyens de lutter contre le proxénétisme, tout cela me semble normal au même titre que les règlementations concernant les conditions de travail que n'importe quel travailleur.
Mais il ne me semble pas que la position de principe que les députés ont présenté ce soir entrait dans ce cadre-là. Elle a une connotation morale qui outrepasse largement le rôle et la mission de nos représentants. Et en matière de Morale, Madame Badinter, comme tous ses collègues et amis actionnaires, n'a aucune leçon à donner à qui que ce soit.
Sources : Libération ; Publicis ; les Échos ; Arrêt sur image ; Rue89, Intox2007
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