Excusez-moi des termes un peu crûs, mais en constatant l'acharnement avec lequel le gouvernement veut absolument allonger la durée du travail est modifier l'âge de départ à la retraite, sachant ce que je vais vous exposer par la suite, je me suis demandé, à la lecture du document d'orientation sur la réforme des retraites que vient de diffuser le gouvernement, si, faute d'une nouvelle canicule mortelle, certains ne seraient pas tentés de donner un petit coup de pouce à la nature pour faire diminuer le nombre de retraités.
Il aura fallu 17 pages au gouvernement pour essayer de nous persuader que tout va bien, mais que les caisses sont vides et que pour les remplir il faut que nous travaillions plus longtemps et que nos partions plus tard à la retraite. De toute façon partir plus tard ça n'est pas un problème étant donné qu'on vit plus longtemps...
On connaissait le « travailler plus pour gagner plus», en a désormais le « travailler plus longtemps pour être à la retraite plus longtemps ». Je m'explique :
En page 8 de ce document, le gouvernement prétend apporter une "réponse démographique aux déséquilibres des régimes de retraite" en jouant sur "l'accroissement du nombre de cotisants par rapport au nombre de retraités" et en déduit, avec une logique de voltigeur, que "ceci suppose d'augmenter la durée d'activité c'est-à-dire le temps passé au travail par rapport au temps passé à la retraite".
Voui, vous avez bien lu, on est devant une promesse du genre « travailler plus longtemps pour être plus longtemps à la retraite ». Sauf que si le gouvernement peut essayer de faire en sorte de nous forcer à travailler plus longtemps, il ne peut rien faire pour nous maintenir en vie au-delà des limites de notre organisme, de notre physiologie. Malheureusement ça n'est pas parce qu'on aura passé 30 ans ou 40 ans à travailler qu'on est assuré de passer 30 ou 40 ans "à la retraite". Le seul rapport que peut avoir la durée d'activité avec la retraite c'est sur le montant de la pension de retraite qui sera versée puisqu'il prend en compte le nombre de trimestres travaillés.
Pour le gouvernement, cette "solution démographique" est l'unique moyen de permettre"de répondre à la cause profonde du déséquilibre financier ", parce que :
1°- « l’augmentation de la durée d’activité ne pénalise ni la croissance, ni l’emploi, ni le niveau de vie des Français. Au contraire, à long terme, la croissance de la population active est l’un des principaux moteurs de la création de richesses »
Le gouvernement se montre bien optimiste et se place dans une perspective de création exponentielle de nouveaux emplois et d'entreprises, et d' augmentations de salaire. Optimistes démenti par que le constat qu'ont fait actuellement:
- il se détruit, depuis 10 ans, des millions d'emplois (le nombre de destructions d'emplois est équivalent au nombre actuel de chômeurs) ,
- les entreprises qui se créent sont des entreprises qui emploient rarement plus d'une personne (son créateur),
- les salaires sont bloqués depuis près de 30 ans (ce qui a d'ailleurs fortement contribué au déficit des caisses de retraite, en empêchant les cotisations d'augmenter).
Le gouvernement oublie donc qu'actuellement, maintenir en activité 5 à 6 ans de plus, des salariés ayant plus de 55 ans, c'est fermer la porte au plein-emploi pour les classes d'âge 20 -- 30 ans, puisqu'il n'y a aucune création nette de nouveaux emplois.
2° - « elle tire les conséquences de l’allongement de l’espérance de vie, qui s’est accrue de 15 ans en 60 ans et continue d’augmenter d’un trimestre par an...le nombre d’actifs est de plus en plus insuffisant. Ils étaient 4 pour un 1 retraité en 1960, 1,7 aujourd’hui et 1,5 en 2020. »
Certes, mais si aujourd'hui le ratio est de 1,7, cotisant pour 1 retraité c'est à cause du chômage, endémique et entretenu, que connaît le pays depuis maintenant plus de 10 ans et à cause de l'emploi précaire des classes d'âge entre 20 et 30 ans. Et qui dit chômage et emplois précaires sous-payés, dit baisse du nombre d'actifs occupés ( ceux qui sont pris en compte dans le ratio) et des cotisations qui alimentent les caisses de retraite.
Qui plus est, la France connaissant un boum démographique depuis 10 ans,on sait qu'en 2030, le ratio de 4 actifs pour 1 retraité devrait être à nouveau atteint... Cependant, la perspective ainsi ouverte de voir les caisses de retraites être alimentées de manière équilibrée par les cotisations de nouveaux salariés en plein-emploi, ne prend de sens que si, d'ici 2020, l'État fait le nécessaire pour que le chômage soit résorbé, que si l'État n'accepte plus comme normale, tolérable que les entreprises se gardent "sous les coude" une marge de manœuvre de 4,1 %et que si une politique de plein-emploi des 20-30 ans est mise en œuvre, sans subventions et défiscalisations mortifères pour l'emploi et l'économie intérieure du pays .
Il semble donc qu'il est inutile de se projeter en 2050, alors que personne ne sait en matière de démographie, de naissance, de mortalité comment la situation va évoluer. On ne le sait pas non plus pour l'économie et la paix dans le monde. Par contre, nous le savons jusqu'en 2030, c'est déjà bien suffisant pour alimenter la réflexion à moyen terme.
D'après le gouvernement, l'espérance de vie aurait augmenté de 15 ans depuis 1950 soit d'un trimestre par an. Une fois de plus, l'hypothèse est très optimiste, fondée sur l'idée que, de sa naissance à sa mort, un individu ne connaîtrait aucun incident qui viendrait altérer sa santé, et qu'il pourrait maintenir son organisme dans les conditions optimales que ce dernier connaît vers l'âge de 17 ans ( âge ou commence le déclin). Malheureusement pour le gouvernement et pour nous, il y a une différence entre l'espérance de vie et l'espérance de vie en bonne santé à 60 ans.
Or la santé devient un problème dominant pour les Français. Son cout pour les individus est en augmentation constante et se soigner devient problématique pour des pans entiers de la population, toutes classes d'âge confondues. Nul n'ignore que depuis une vingtaine d'années, les coûts de santé deviennent tellement importants que certains soins sont désormais reportés ( dentistes, ophtalmologie, consultation de spécialistes), ce qui aura inévitablement une incidence sur la dégradation de l'espérance de vie. On sait également que la durée des périodes de chômage a une incidence sur l'espérance de vie en bonne santé de ceux qui les subissent.
Nul n'ignore, non plus, que si les conditions de travail sont un peu moins pénibles physiquement qu'en 1950, la pénibilité du travail n'a pas disparu totalement , elle a seulement évolué. Les traumatismes physiques engendrés par le bruit des machines, le port de charges lourdes, le travail en milieu « obscurs et poussiéreux », sont peu à peu remplacés par les traumatismes liés au stress, la fatigue physique liée au trajet domicile/ travail ou aux bruits présent dans l'environnement de travail ainsi qu'à l'allongement de la durée journalière de travail, les maladies posturales touchant l'équilibre même du squelette et les maladies cardio-vasculaires. Autant de nouvelles pénibilités qui usent prématurément le corps et l'esprit humain et qui n'améliorent en rien l'espérance de vie à 60 ans des salariés.
Il eut donc mieux valu ne pas prendre comme critère l'espérance de vie à la naissance, comme l'a fait le gouvernement, mais plutôt les tables de mortalité, qu'utilisent les assurances et les organismes de prêt, qui elles sont calculés sur l'espérance de vie en bonne santé. En réalité, d'après ses tables de mortalité, en 2010, l'espérance de vie en bonne santé pour les hommes est de 63 ans,pour les femmes de 64 ans et pour un ouvrier du bâtiment de 59 ans. En fait, d'après ses tables de mortalité, l'espérance de vie en bonne santé à 60 ans ne s'allonge que d'un demi trimestre par an, soit moitié moins que ce qu'annonce le gouvernement!
En résumé, augmenter la durée d'activité va consister à ne faire participer que les actifs qui ont un emploi, au comblement des déficits des caisses de retraite. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement il n'y a aucune augmentation du nombre de cotisants. On fait juste payer plus longtemps ceux qui ont un emploi, en les contraignant à le garder plus longtemps. Avec pour premier effet nocif d'empêcher les classes d'âge 20-30 ans de cotiser, et participer ainsi à l'entraide entre générations, en alimentant les caisses de retraite et d'ouvrir dès maintenant leurs droits à une future retraite.
En semblant ignorer que l'espérance de vie dont il nous parle, n'inclut en aucun cas les accidents et les conditions de vie qui ont pourtant une incidence forte sur l'espérance de vie, le gouvernement occulte dangereusement que c'est particulièrement à partir de 55 ans que l'organisme humain commence à être moins résistant à la fatigue physique et mentale et que même les séminaires de motivation intensive ne parviennent pas à reléguer le « poids des ans » au rayon des mauvais souvenirs.
En essayant de nous faire oublier que si bon nombre de personnes, ayant dépassé 60 ans, vivent plus longtemps, c'est très probablement parce qu'elles ont cessé leur activité professionnelle vers l'âge moyen de 58 ans, le gouvernement occulte le fait que le travail, ajouté à l'usure naturelle du corps humain, est un facteur aggravant de mortalité. Il semble quelque peu irresponsable de vouloir que les gens allongent leur durée d'activité pour pouvoir bénéficier d'une retraite dont, si ils travaillent plus longtemps, ils pourront bénéficier moins longtemps et en mauvaise santé. Des esprits cyniques pourraient penser que dans quelques cabinets obscurs du ministère des finances, on espère même quand allongeant la durée de travail ont raccourcira l'espérance de vie des retraités et que ça fera moins de retraite à payer....
Allez savoir?
Sources: e24 ; L'expansion ; Journal du Net ;
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