On peut appréhender qu'Éric Woerth n'ait plus aucune légitimité à être au gouvernement et surtout à porter une réforme des retraites qui aura un impact sur la vie quotidienne des millions de Français. Craintes fondées au regard des nombreuses contrevérités que nous a assénées depuis le mois de juin, l'ex ministre du budget et désormais ministre du travail !
Certes, la frontière entre une contrevérité est un mensonge est ténue. Elle réside presque entièrement dans l'intention de celui qui les énonce. Quoi qu'il en soit, l'une et l'autre pervertissent la vérité et empêche ceux qui les écoutent de décider quoi que ce soit, en toute connaissance de cause.
Mais,s'il est très difficile, sans interroger la personne, de connaître ses intentions, il est nettement plus facile, en comparant ses dires avec les faits, de démasquer les contrevérités. Force est de constater qu'actuellement rien ne prouve qu'Éric Woerth a volontairement voulu dissimuler la vérité aux Français. C'est à la justice, si un jour elle est saisie de cette affaire Woerth-Bettencourt, d'en décider.
Par contre, nous pouvons très concrètement constater l'accumulation d'affirmations inexactes dont il nous abreuve, depuis plus de deux mois, concernant son rôle dans l'affaire Bettencourt.
La dernière affirmation inexacte en date est on ne peut plus récentes. Réagissant à une information parue mardi dans l'hebdomadaire L'Express, au sujet d'une lettre de sa main datée de mars 2007 et demandant à Nicolas Sarkozy d'attribuer à Patrice de Maistre la légion d'honneur, Éric Woerth affirmé catégoriquement, selon le Figaro: «Ce courrier vous l'avez vu, j'étais député, j'ai fait comme un simple député, c'est d'une grande banalité tout ça».
Outre le fait qu'Eric Woerth avait toujours, jusqu'à présent, nié avoir joué un rôle dans l'attribution de cette décoration, ce qui déjà en soi est contredit par cette lettre, il omet de préciser que cette demande est rédigée sur le papier à en-tête de l'association de soutiens à l'action de Nicolas Sarkozy. Ce qui nous éloigne d'une démarche de simple député et nous rapproche davantage de la démarche du trésorier de l'UMP, étant donné que le signataire y loue "les mérites de Patrice de Maistre, membre du «Premier cercle» de donateurs de l'UMP" et qu'il ajoute "que le gestionnaire de fortune des Bettencourt est également un collecteur de fonds légaux pour l'UMP". Un simple député ne pourrait certes se prévaloir des mêmes raisons! Notez que cette dernière formulation laisse sous-entendre qu'il y aurait des collecteurs de fonds illégaux!!!
Il n'entre pas dans mon propos de lister la longue litanie des contrevérités ou mensonge d'Éric Woerth, Olivier Bonnet l'a fait pour nous. Le constat est que édifiant et m'amène à remettre le comportement d'Éric Woerth et du gouvernement en perspective, dans le contexte politique. Constat amplement suffisant pour affirmer que le ministre du travail n'est plus un interlocuteur crédible; quelque soit la tâche que l’État lui confie.
Je ne serai pas l'injure à Éric Worth de penser qu'il est cynique, amoral et malhonnête. Je ne lui ferai pas non plus l'injure de penser qu'un ministre de la république française puisse avoir un système de valeurs éthiques et morales incompatible avec les lois de la république et les valeurs qu'elles entraînent.
Mais cela ne m'empêche pas de m'interroger sur ce qui le pousse, tout autant que son avocat et les membres du gouvernement qui le défendent, à émettre catégoriquement des propos dont il sait qu'ils seront contredit dans les heures ou les jours qui vont suivre leur énoncé. Il n'y a rien de suicidaire dans ces propos et ces comportements.
On peut se demander pourquoi toutes ces contrevérités. Il me semble que la seule réponse plausible est que l'objectif du gouvernement est de faire voter cette réforme coûte que coûte, contre vents et marées. Et de soutenir encore un peu, auprès de l'opinion publique, le porteur de cette réforme, et ce jusqu'à ce que la réforme des retraites soit votée.
Depuis son entrée, l'an 2007 au gouvernement, on a construit à Éric Worth une image de technicien des finances. Ce dont il a amplement profité pour déminer le terrain syndical et obtenir un maximum de confiance dans l'opinion publique. Ceci explique pourquoi, faute d'avoir un remplaçant bénéficiant de la même image, la démission d'Éric Woerth n'est pas envisageable, malgré son affaiblissement politique, avant le vote de la réforme des retraites. Brider les syndicats et faire « passer la pilule » cehz les citoyens, en s'appuyant sur un image d'homme intègre, irréprochable et compétent: deux points essentiels pour de la réforme des retraites. Et en cela, il faut reconnaître qu’Éric Woerth a« réussit son coup ».
Force est de constater que l'opinion publique semble résignée au « passage en force » de cette réforme et ne s'étonne même pas de l'injustice qu'il y a, alors que la précarité du travail s'installe France, que des millions de jeunes d'hommes et femmes n'ont pas accès au travail rémunéré, a prétendre qu'il est juste que les plus vieux d'entre les salariés travaillent plus longtemps ?
Force est de constater, également, que la plupart des commentateurs, y compris les syndicalistes et les économistes, semblent avoir accepté l'argument fallacieux d'une «réponse démographique liée à un problème démographique », alors qu'il n'en est rien, ce que certains ont très bien démontré.
Force est de constater, enfin, que les principaux syndicats, même si ils regrettent que le débat de fond sur les retraites n'ait pas eu lieu, ont peur que toute contestation de leur part soit interprétée comme une agression contre un ministre qui se prétend déjà très agressé. Et manifestement ils ne comptent pas non plus sur l'impact d'une forte mobilisation lors de la manifestation du 7 septembre. Confortant ainsi les propos du ministre du travail, relayés par L'Express: « "Et en même temps, je me dis : c'est pas çà qui peut faire changer la réforme des retraites parce que si on change fondamentalement notre réforme, au fond il n'y a plus de réforme des retraites".
La gauche dans son ensemble réclame, depuis deux jours, la démission du ministre du travail. Le député PS Claude Bartolone a estimé cette démission indispensable, selon Le Figaro: "Bien sûr. C'est un ministre qui a menti à un moment où il y a une affaire qui est déjà très compliquée ...Cela le disqualifie ne serait-ce que pour tenir un discours de vérité aux Français sur la question des retraites...il faut que M. Woerth se rende compte que les mensonges qui ont pu être les siens et son attitude posent problème à la fois dans cette affaire et au gouvernement".
C'est vrai... mais c’est un combat qui ressemble un peu à un combat d'arrière garde, tant il se mène à un moment ou la démission du ministre n'a plus qu'un importance relative.
Éric Woerth, tout comme le gouvernement, sait parfaitement que désormais cette réforme (presque uniquement voulu, construite,par Nicolas Sarkozy avec l'aide et les avis de son conseiller social, Raymond Soubie), entre dans une phase parlementaire. Dès lors, l'opinion publique, les jeux syndicaux, semblent ne plus avoir aucune importance à ses yeux.
La seule incertitude qu'il reste à gérer c'est de savoir qui, des électeurs que nous sommes ou du gouvernement, aura le plus de poids pour infléchir le vote des parlementaires. Et le gouvernement, dans cette configuration à un très net avantage sur les électeurs tant il est prouvé que la majorité des parlementaires de la droite gouvernementale est entièrement dépendante financièrement de l'UMP. Il sait qu'il aura en face de lui des députés et des sénateurs qui, pour des raisons de carrière électorale, ne pourront s'opposer directement à cette réforme.
Sauf si....
Il est évident qu'une forte participation à la manifestation du 7 septembre, ainsi qu'une action auprès des parlementaires pour leur faire comprendre notre désapprobation à ce projet de réforme des retraites et une surveillance très attentive des votes au parlement, pourront être défavorable à l'exécutif.
Pouvons envisager une seconde de confier une journée de plus à un homme qui multiplie depuis deux mois les contrevérités ?
Peut-on le croire quand il prétend que sa réforme est juste, lorsqu'on constate, au travers des révélations de l'affaire Bettencourt, que le bouclier fiscal permet à une poignée de gens richissimes(dont certains sont des généreux donateurs du premier cercle de UMP) très proches du président de la république et de l'ex trésorier de l'UMP, de s'enrichir encore davantage?
Ne peut-on imaginer que, derrière cette réforme des retraites qu'il faut mener coute que coute, se profile pour quelques parents et amis du « premier cercle » la perspective de bénéficier de la manne que nous alimentons de nos deniers, sans que le ministre du travail et le Président de la République ne s'inquiètent un seul instant du préjudice que nous aurons à subir?
En savoir plus sur la journée du 7 septembre 2010 près de chez vous grâce au site Le Volontaire:
Liste des manifestations du 7 septembre 2010 (horaires et lieux)
Sources: Le Figaro; L'Express; Le Parisien; Plume de Presse; Le Point; Le Monde; Marianne2; Les Echos
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