Le 29 juillet dernier, Jean-Yves Leborgne, l'avocat d’Éric Woerth, estimait que son client était désormais «en dehors de la polémique». C’était à l'issue dune audition très controversée, ayant eu lieu dans les locaux du ministère du Travail et menée dans le cadre d'enquêtes préliminaires sur de possibles conflits d'intérêts, trafic d'influence et financement occultes de partis politiques.
Durant cette audition d'après M° Leborgne, le ministre a récusé, auprès des enquêteurs de la brigade financière, tous les soupçons de conflits d"intérêts et de financement illégal de parti politique.
Donnant l'impression que c'était le ministre qui avait dirigé l'audition de 8 heures, et non les enquêteurs, M° Leborgne concluait sa déclaration à la presse en faisant valoir que cette longue durée était liée au fait que «Eric Woerth voulait donner toutes les explications».
Tout à fait dans son rôle d'avocat, M°Leborgne blanchissait à l'avance, son client de tous soupçons et rejoignait les conclusions du rapport intégral de l'Inspection générale des finances, publié une semaine avant, par le ministère du Budget.
Rapport qui attestait, selon Le Point, qu"Éric Woerth "durant la période où il était ministre du Budget, n'est pas intervenu auprès des services placés sous son autorité pour demander, empêcher ou orienter une décision ou un contrôle portant sur Mme Bettencourt". dans la foulée, le rapport certifiait qu "Aucune intervention n'est avérée concernant le dossier fiscal de l'artiste François-Marie Banier ou ayant visé le gérant de fortune Patrice de Maistre ou sa société Clymène, qui gère les avoirs de la milliardaire".
Sauf que....ce rapport a été réalisé dans des conditions particulières et par un enquêteur très particulier.
Dans une article de François Sionneau , publié par le Nouvelobs , on apprend que ce rapport n'est pas le résultat d'une enquête "collectives, contradictoires et inquisitoriales " des services de l'Inspection générale des finances (IGF). Mais qu'elle résulte, à la demande exprès du ministre Barroin, du travail d'investigation solitaire de Jean Bassères, patron de l'IGF.
Une procédure bien peu habituelle, aux dires d'un ancien responsable de l'IGF, reproduits dans une article publié par le Monde, le 9 juillet dernier. Procédure au cours de laquelle personne n'a été obligé de témoigner ni de fournir le moindre document s'il ne le désirait. Procédure qui dépendait donc entièrement du bon vouloir des uns et des autres ...sans que l'enquêteur, si il en avait eu envie, n'ait le moindre pouvoir de perquisition ou de contrainte.
Autre particularité de cette enquête, c’est que le chargé d'enquête, Jean Bassères, a été nommé à son poste de directeur de l'IGF par Éric Woerth par décret en date du 24 janvier 2008 . Vous avouerais que mener seul, une enquête impliquant les agissements de celui à qui vous devez votre promotion, n'est pas chose confortable....
Et ce qui devait arriver arriva. Éric Woerth sortait entièrement blanchi de cette enquête, menée par une personne qui lui était redevable au dessus de tous soupçons.
Dès lors, au delà des question légitimes sur l'absence de contrôle, en 15 ans, de la situation fiscale de Liliane Bettencourt, de François-Marie Banier, et ce malgré une alerte envoyée en janvier 2009 par le Parquet de Nanterre, comment pourrait-on croire un seul instant aux conclusions de ce rapport du directeur de l'Inspection Générale des Finances, compte tenu des conditions particulières dans lesquelles il s’est déroulé.
Sans remettre en doute l’honnêteté de Jean Bassères, l'absence d'une enquête "collectives, contradictoires et inquisitoriales " fait porter sur son travail un doute fort et rend ses conclusions sujettes à caution.Il en ira très probablement de même, et pour les mêmes raisons, du travail d'enquête du juge Courroye.
Ainsi donc, le Gouvernement, en voulant à tout pris lever les soupçons sur l’implication d’Éric Woerth dans différentes affaires, en voulant communiquer vite et donner des signes de son activisme, obtient l'effet contraire à ce qu'il espérait. Et cela parce que tant au niveau de l'enquête du fisc que de celle du Parquet de Nanterre; il s'entête à utiliser des procédure très particulières qui ne laissent que des marges de manœuvres extrêmement restreintes aux enquêteurs. Enquêteurs qui eux même doivent leur promotion à ceux sur lesquels ils sont chargés d'enquêter et sont directement dépendant des 2 ministres de tutelle que sont le ministre de la Justice et celui du budget.
Quand à Éric Woerth, le traitement privilégié auquel il a droit, comme le soulignait Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale chargée de la justice au Parti socialiste, donne l'impression "qu'il y a un système hors norme pour les riches et puis il y a la loi pour les autres". Cette impression, renforcée par la volonté effrénée du gouvernement à vouloir que le financement du parti présidentiel échappe à la justice commune, a déjà entamé de façon indélébile, dans de très nombreux esprits, y compris au sein de la majorité présidentielle, la crédibilité du Gouvernement et de son ministre du Travail.
Tous les écrans de fumée, tous les discours sécuritaires ne pourront plus effacer cette conviction désormais profonde. Et Éric Woerth ne sera plus jamais blanchi, quand bien même le juge Courroye clos sans suite les enquêtes dont il a la charge.
Il n'y a là aucune chasse à l'homme sordide ni acharnement politicien, mais juste le résultat de grossières erreurs stratégiques d'un gouvernement de toute évidence en pleine débâcle.
Sources: Le Point; Libération; 20minutes; Le Monde; L'Express; Le Figaro
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